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Dossier documentaire : Sources & limites de la croissance

Quelles sont les sources de la croissance ?

En quoi la demande contribue-t-elle à la croissance économique ?

Document. La demande, moteur de la croissance

Or donc, vous maîtresses de maisons pleines de patriotisme, élancez-vous dans les rues demain dès la première heure et rendez-vous à ces mirifiques soldes que la publicité nous vante partout. Vous ferez de bonnes affaires, car jamais les choses n'ont été aussi bon marché, à un point que vous ne pouviez même rêver. Faites provision de tout un stock de linge de maison, de draps et de couvertures pour satisfaire à vos moindres besoins. Et offrez-vous, par-dessus le marché, la joie de donner plus de travail à vos compatriotes, d'ajouter à la richesse du pays en remettant en marche des activités utiles, et de donner une chance et un espoir au Lancashire, au Yorkshire et à Belfast.

Ce ne sont là que des exemples. Faites donc tout ce qu'il faut pour satisfaire les plus raisonnables de vos propres besoins et de ceux de votre maison, apportez des améliorations à votre intérieur, faites construire.

Car ce qu'il nous faut maintenant, c'est non pas nous serrer la ceinture, mais nous mettre en humeur de ranimer expansion et activité, ce qu'il nous faut, c'est agir, acheter des choses, créer des choses. Tout cela est le bon sens le plus évident assurément. En effet, prenons le cas-limite. Supposez que nous allions économiser la totalité de nos revenus et cessions de rien dépenser du tout. Eh ! Bien, tout le monde serait au chômage. Et avant longtemps nous n'aurions plus de revenus à dépenser. Personne ne serait plus riche d'un sou et, pour finir, il ne nous resterait plus qu'à mourir de faim, ce que nous aurions bien mérité pour avoir refusé de nous acheter des choses les uns aux autres et de prendre mutuellement notre linge à laver, car c'est ainsi que nous vivons tous. Et on peut en dire autant, et avec plus de raison encore, du travail des collectivités locales. Voici le moment pour les municipalités de faire preuve de dynamisme et de s'occuper de toutes sortes de modernisations raisonnables.

Source : John Maynard Keynes, The Listener, extrait d'une émission radiodiffusée du 14 janvier 1931. Traduction française in John Maynard Keynes, Essais sur la monnaie et l'économie, Payot, 1971.

En quoi les facteurs de production contribuent-ils à la croissance économique ?

Du côté offre, la croissance économique peut être le résultat de l’accroissement quantitatif des facteurs de production ou d’une nouvelle combinaison plus efficace des facteurs de production, les facteurs de production agissant alors par le biais de la productivité qu’ils engendrent.

Le raisonnement économique s'appuie souvent sur la fonction de production pour analyser le rôle des facteurs de production dans la croissance économique.

Travail, capital & fonction de production : quelques éléments préalables

Vous avez étudié, les années précédentes, les facteurs de production – travail et capital – qui sont utilisés au cours du processus de production.


Facteurs de production
Facteurs de production [définition générale]

Pour produire un bien ou un service, il est nécessaire de disposer de ce que les économistes appellent des facteurs de production, c'est-à-dire d'éléments matériels ou immatériels qui rendent possible la réalisation d'un produit.

On en distingue deux : le facteur travail et le facteur capital (capital fixe ; capital circulant ou consommations intermédiaires).

Combinaison productive

Pour une même production, il est parfois possible procéder de plusieurs façons. On dit alors que l'entreprise peut combiner de façon différente le capital et le travail.

Exemple fictif : Pour pétrir une fournée de pain, une boulangerie peut embaucher 3 travailleurs et un peu de matériel ou un travailleur et une machine à pain.

Le choix entre l'une et l'autre des combinaisons productives possibles dépendra de l'abondance des facteurs de production (capital ou travail), mais surtout du coût relatif du travail par rapport au capital et l’efficacité productive de la combinaison retenue (mesurée par la productivité).

Exemple : Si le coût du travail est cher, une entreprise préférera privilégier le capital. On dira que l'intensité capitalistique de la production (celle-ci est mesurée par le coefficient de capital = capital utilisé/production réalisée) est plus forte. Dans le cas inverse, on dira que l'intensité capitalistique de la production est plus faible.

Facteurs substituables ou complémentaires

Les facteurs capital et travail sont le plus souvent complémentaires, c'est-à-dire que l'un n'a pas d'utilité sans l'autre. Pour modifier la quantité produite, ils doivent donc varier proportionnellement. On dit alors que la combinaison productive est rigide.

Exemple : une entreprise ne peut pas acheter un nouveau camion sans embaucher un nouveau chauffeur.

Les facteurs de production peuvent parfois être substituables, c'est-à-dire se remplacer l'un l'autre (on peut utiliser du capital plutôt que du travail ou inversement). On dit alors que la combinaison productive est flexible.

 

En économie, dans un cadre concurrentiel, la fonction de production permet comprendre la relation mécanique qui existe entre quantité de facteurs et quantité produite : si la quantité de facteurs augmente, alors la quantité produite augmente aussi (et inversement).


Fonction de production

La fonction de production établit une relation mathématique entre la quantité produite et la quantité de facteurs de production nécessaire pour l'obtenir.
La fonction de production peut être présentée de la façon suivante :

Y = f(L,K).
— avec Y = quantité produite,
— L = quantité de travail nécessaire à la production,
— K = quantité capital nécessaire à la production.

La fonction de production permet de mesurer l'impact d'une modification de la combinaison productive sur le niveau de la production : lorsque la quantité de travail (L) et/ou la quantité de capital (K) sont modifiées, la quantité produite (Y) varie (à la hausse ou à la baisse, selon les cas).

 

Cette fonction de production permet donc d'expliquer une croissance « extensive » où la production croît proportionnellement à l'augmentation des facteurs de production travail et/ou capital.

Dans les faits, on constate qu'il y a bien une relation entre facteurs de production et croissance. Si celle-ci peut subir l'influence d'éléments extérieurs, on voit qu'elle dépend de la nature de la combinaison productive dominante dans le pays considéré.

Document. La contribution des facteurs de production et de la productivité à la croissance de quelques pays

1. La productivité multifactorielle correspond ici à la notion de productivité globale des facteurs (PGF).

Source : Données extraites le 16 Sep 2016, 11h14 UTC (GMT), de OECD.Stat. Disponible en ligne : http://stats.oecd.org/Index.aspx?lang=fr&DataSetCode=PDB_GR#

Rappel de lecture : l'addition des différentes contributions – en points de pourcentage – permet d'obtenir le PIB – en pourcentage. Autrement dit, le PIB est décomposé en différentes contributions.

Une relation complexe entre progrès technique et croissance économique

Comment améliorer la productivité ?

Les dépenses intérieures de Recherche & Développement en France

DIRD de la France en 2009-2013.

1. PIB juin 2014, changement méthodologique et base 2010.
2. Administrations publiques et privées (État, enseignement supérieur et institutions sans but lucratif).
3. Résultat 2009 recalculé de façon à être comparable à 2010.
4. Changement méthodologique.
5. Résultats définitifs.
6. Résultats semi-définitifs.
7. Estimations.
Champ :France entière.
Source : MENESR-DGESIP/DGRI-SIES. Disponible en ligne : http://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_R_26-l_effort_de_recherche_et_developpement_en_france.php

Vous remarquerez que les montants de la DIRD en valeur et en volume sont identiques en 2010 car il s'agit de l'année de base.

Pour aller plus loin : Document. Nature & conséquences de quelques exemples historiques d'innovations

Source : Robert Boyer, « La « nouvelle économie » au futur antérieur : histoire, théories, géographie », n°2001- 13, Cahiers du Cepremap, août 2001, p. 52. Disponible en ligne : http://www.cepremap.fr/depot/couv_orange/co0113.pdf

Quelles sont les conditions favorables à la croissance ?

Le rôle des entrepreneurs

Document. Entrepreneurs et « esprits animaux »

Even apart from the instability due to speculation, there is the instability due to the characteristic of human nature that a large proportion of our positive activities depend on spontaneous optimism rather than on a mathematical expectation, whether moral or hedonistic or economic. Most, probably, of our decisions to do something positive, the full consequences of which will be drawn out over many days to come, can only be taken as a result of animal spirits—of a spontaneous urge to action rather than inaction, and not as the outcome of a weighted average of quantitative benefits multiplied by quantitative probabilities. Enterprise only pretends to itself to be mainly actuated by the statements in its own prospectus, however candid and sincere. Only a little more than an expedition to the South Pole, is it based on an exact calculation of benefits to come. Thus if the animal spirits are dimmed and the spontaneous optimism falters, leaving us to depend on nothing but a mathematical expectation, enterprise will fade and die;—though fears of loss may have a basis no more reasonable than hopes of profit had before.

It is safe to say that enterprise which depends on hopes stretching into the future benefits the community as a whole. But individual initiative will only be adequate when reasonable calculation is supplemented and supported by animal spirits, so that the thought of ultimate loss which often overtakes pioneers, as experience undoubtedly tells us and them, is put aside as a healthy man puts aside the expectation of death.

This means, unfortunately, not only that slumps and depressions are exaggerated in degree, but that economic prosperity is excessively dependent on a political and social atmosphere which is congenial to the average business man. If the fear of a Labour Government or a New Deal depresses enterprise, this need not be the result either of a reasonable calculation or of a plot with political intent;—it is the mere consequence of upsetting the delicate balance of spontaneous optimism. In estimating the prospects of investment, we must have regard, therefore, to the nerves and hysteria and even the digestions and reactions to the weather of those upon whose spontaneous activity it largely depends.

We should not conclude from this that everything depends on waves of irrational psychology. On the contrary, the state of long-term expectation is often steady, and, even when it is not, the other factors exert their compensating effects. We are merely reminding ourselves that human decisions affecting the future, whether personal or political or economic, cannot depend on strict mathematical expectation, since the basis for making such calculations does not exist; and that it is our innate urge to activity which makes the wheels go round, our rational selves choosing between the alternatives as best we are able, calculating where we can, but often falling back for our motive on whim or sentiment or chance.

Source : John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, chap. 12, 1936. Disponible en ligne.

Le rôle de l'intervention publique

Le rôle de l'environnement socioculturel

Quelles sont les limites de la croissance ?

Comment expliquer l'instabilité de la croissance ?

Une terminologie pas si simple...

Dans la théorie économique, il est devenu usuel (même si cela reste très discuté) de distinguer croissance économique « potentielle » et croissance économique « réelle » (ou « effective »).
La croissance économique étant mesurée par le PIB, le PIB réel/effectif est celui qui est constaté et le PIB potentiel est une estimation statistique de la croissance potentielle. L'écart de production (ou « outputgap ») est alors la différence entre le PIB réel et le PIB potentiel.
Dans un monde « idéal » (au sens de « idéal-typique »), c'est-à-dire un monde où aucune perturbation ne viendrait entraver le fonctionnement de l'économie, où les capacités de production (capital et travail) seraient pleinement utilisées sans susciter d'inflation, la croissance potentielle serait réalisée. Cette croissance serait durable et stable. Elle représente donc la « tendance » (le « trend » en anglais) que devrait suivre la conjoncture.
Dans la réalité, la croissance économique, dite réelle ou effective, est un phénomène instable, soumis à « des hauts et des bas » plus ou moins brusques et plus ou moins durables. Ces hauts et ces bas, ce sont les fluctuations économiques.

Définition des fluctuations économiques :

(Programme TES 2011, Notions)

Les fluctuations économiques sont constituées de l’ensemble des mouvements affectant l'activité économique, qu'il s'agisse de phases d’expansion (accélération de la croissance économique) ou de récession/dépression (ralentissement/baisse de la croissance économique).

Ces fluctuations affectent, bien sûr, le PIB mais concernent, plus généralement, les principales variables de l'activité économique (chômage, inflation…).

 

Les cycles économiques : des fluctuations économiques plus ou moins régulières

Ces mouvements peuvent être plus ou moins réguliers, auquel cas on parlera souvent de cycles économiques qui désignent la répétition au cours du temps de phases d’expansion économique, puis de récession/dépression.

Remarque : ces deux termes sont proches et souvent utilisés comme synonymes.

Si on découpe le cycle en 4 phases, on a donc la succession : expansion – crise – récession/dépression – reprise…

Trois types de cycles peuvent être distingués :
— Cycles de Kondratiev (ou Kondratieff) (cycles longs), environ 40 à 60 ans. Il est associé par Schumpeter à l'évolution du progrès technique (apparition des innovations). Il distingue la « phase A » du cycle Kondratiev, qui correspond à la phase ascendante, et la « phase B », qui correspond à la phase descendante.
— Cycles de Juglar (ou cycle des affaires ou intermédiaire ou moyens), environ 7 à 11 ans.
— Cycles de Kitchin (ou cycle mineur ou court), environ 3 à 4 ans (2 Kitchin = 1 juglar environ).

Représentation graphique des cycles
Courbe 1 = cycles longs ; courbe 2 = cycles intermédiaires ; courbe 3 = cycles courts ; courbe 4 = somme des courbes 1-3.

Source : Joseph Aloïs Schumpeter, Business cycles, 1939. Disponible en ligne (en) : http://dx.doi.org/doi:10.1522/030021081

 
Les différentes phases d'un cycle
  • L'expansion : correspondant à la phase ascendante d'un cycle, elle est un accroissement momentané et réversible de la conjoncture (accélération de la croissance économique). Elle se situe donc sur le court terme et ne doit pas être confondue avec la croissance.
  • La crise :

(Programme TES 2011, Notions)

La crise économique peut s'entendre au sens strict ou au sens large :

  • au sens strict, elle correspond au moment où la conjoncture économique (entendue comme l'ensemble de la situation économique et pas seulement le PIB) se retourne, donc au point haut d'un cycle,
  • dans un sens plus large, elle correspond à une période caractérisée par le déclin global de la conjoncture. Elle englobe alors la crise au sens strict et la récession/dépression qui s'ensuit.
 

Remarque : Il est a noté ici que la conjoncture économique ne se réduit pas nécessairement au seul PIB mais englobe l'ensemble de la situation économique.

  • La récession : la définition de la récession est ambiguë. Pendant longtemps en France, les économistes ont considéré qu'elle correspondait à un ralentissement de la croissance, donc à sa baisse relative (baisse du taux de variation). Cependant, de plus en plus, les économistes considèrent que la récession correspond à une diminution du PIB durant deux trimestres consécutifs (baisse absolue)1). Dans ce second cas, elle est synonyme de contraction.
Document. Vous avez dit « récession » ?

Dessin humoristique parodiant la série Dr. House à propos de la récession

Source : Martin Vidberg, « Une enquête du docteur maison », Blog L'actu en patates, 18 septembre 2008. Note disponible en ligne : http://vidberg.blog.lemonde.fr/2008/09/18/une-enquete-du-docteur-maison/

La récession peut se traduire par la dégradation d'autres agrégats économiques que le seul PIB, en particulier le chômage. Il est cependant communément admis, que l'on fasse référence à un ralentissement ou à une baisse, que la récession est d'une durée moins longue et d'une gravité moins grande qu'une dépression.

  • La dépression :

(Programme TES 2011, Notions)

La dépression correspond à une diminution durable et de grande ampleur de la conjoncture. Elle s'étend généralement sur plusieurs années. Cette notion concerne bien sûr le PIB mais elle s'étend aux principaux agrégats macroéconomiques, en particulier l'emploi.

 

Lorsque l'on compare croissance effective et croissance potentielle, deux situations se présentent :

  • La croissance effective est supérieure à la croissance potentielle :
    • On assiste alors à des tensions inflationnistes ainsi qu'à une dégradation du solde extérieur (hausse des importations). Les structures économiques ne sont pas suffisamment développées et/ou efficaces pour satisfaire la demande globale. L'inflation augmente donc (on parle de « surchauffe » de l'économie).
    • À court terme, il est possible de faire diminuer les tensions à l'aide d'une politique conjoncturelle restrictive (de rigueur), mais c'est surtout à long terme, à l'aide d'une politique structurelle de développement et de modernisation qu'il est possible de résoudre le problème.
  • La croissance effective est inférieure à la croissance potentielle :
    • On assiste alors à une montée du chômage. Les capacités de production sont sous-exploitées du fait d'une demande globale insuffisante. Le chômage augmente donc.
    • il est possible de soutenir la croissance à l'aide d'une politique conjoncturelle de relance.

Une croissance mesurable ?

Les limites du PIB

Comme vous l'avez vu en Première, le PIB est un agrégat de la comptabilité nationale dont la construction, comme celle de tous les indicateurs statistiques, est loin d'être parfaite. Par conséquent, la mesure de la croissance économique qui en résulte n'est qu'un reflet partiel –– et en partie biaisé –– de la réalité économique.

1. Une mesure incomplète

Pour commencer, le PIB ne permet qu'une mesure incomplète de la production dans la mesure où une partie de celle-ci échappe à la comptabilité nationale. C'est vrai notamment pour :

  • la production domestique, le plus souvent réalisée au sein du ménage, qui ne fait pas l'objet d'un échange sur le marché et n'a donc pas de prix. L'exemple typique étant celui du potager familial.
  • la production bénévole, réalisée à titre gratuit, donc ne pouvant être évaluée par son prix non plus.
  • la production souterraine (ou informelle). Il s'agit essentiellement l'activité non déclarée, qu'elle soit légale (comme le « travail au noir ») ou non (trafic, fraude et évasion fiscale). Elle peut faire l'objet d'une évaluation, mais le plus souvent approximative et sous-estimée.
  • la production non marchande. Les services non marchands ne peuvent être évalués à un prix de marché, car ils ne sont pas vendus. Par convention, cette production est alors évaluée au coût de production, c’est-à-dire le montant de la rémunération (salaires + les cotisations sociales). C'est par exemple le cas du travail des enseignants des établissements publics.

2. Une inflation trompeuse

Ensuite, la mesure en valeur du PIB ne permet pas de distinguer l'évolution liée à l'inflation de celle liée à une hausse réelle de la richesse. Les données ainsi obtenues ne sont donc pas réellement comparables dans le temps : l’inflation est trompeuse (Keynes parle d'une « illusion monétaire »), car l'augmentation des prix fait mécaniquement augmenter le PIB en valeur alors qu'il n'y a pas nécessairement de hausse de la valeur ajoutée. Il faut ainsi raisonner sur l'évolution en volume, c'est-à-dire en termes de monnaie constante, et donc « déflater » la monnaie pour retirer l’inflation. Autrement dit, il faut calculer le PIB réel.

3. Une comparaison des pouvoirs d’achat difficile

Une bonne illustration des différences de pouvoir d'achat et de consommation est donnée par les photos de Peter Menzel et Faith D'Aluisio. Il est possible d'en voir une sélection sur le site [/Social Studies School Service/|http://catalog.socialstudies.com/pdf/ZP384Psample.pdf] ou sur le site de [Peter Menzel|http://www.menzelphoto.com/].

4. L'absence de prise en compte des externalités


Externalités

(Programme 2nde 2010, Notions (effets externes) ; Programme 1ES 2010, Notions ; Programme TES 2011, Acquis de première)

Les externalités ou effets externes sont les conséquences d’une action individuelle sur un autre acteur, qui ne sont pas prises en compte par le marché ou le système de prix. Il est usuel de dire qu'elles sont le « résultat non voulu d'une action voulue ».

Elles peuvent être positives (exemples : l'implantation de ruches à proximité d'un verger, la vaccination, la recherche) ou négatives (exemples : la pollution, la dégradation de ressources naturelles, le bruit).

Leur existence est donc à l'origine d'une défaillance du marché et justifie l’intervention publique, permettant d’ « internaliser » les externalités (c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient prises en compte par les agents économiques dans leurs calculs coût/avantage).

Exemples : instauration par l'État d’une taxe sur les produits polluants (souvent nommée taxe « Pigou »), subventions à la recherche, vaccination gratuite et obligatoire, etc.

 

5. Un indicateur strictement quantitatif

Il ne tient notamment pas compte du bien-être et du développement.

Aussi existe-t-il d'autres indicateurs : c'est le cas, par exemple, de l'IDH, indicateur du développement.

Développement & IDH

Pour commencer, qu'est-ce que le développement ?

Développement

François Perroux définit le développement ainsi :

« Le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global ».

Source : François Perroux, L'économie du XXe siècle, PUF, 1961.

Le développement est donc l'ensemble des transformations des structures démographiques, sociales, culturelles et politiques qui rendent possible une croissance économique stable. Autrement dit, pour François Perroux, le développement est fortement lié à la croissance, mais il s'en distingue nettement.

Le développement est ainsi :

  • un phénomène essentiellement qualitatif (à l'inverse de la croissance)2)
  • qui ne se réduit donc pas à la dimension économique (il affecte l'ensemble des structures d'un pays et pas seulement les richesses)
  • un phénomène de long terme.

Les étapes du développement :

Walt Whitman Rostow (Les étapes de la croissance économique, 1960) explique que tous les pays passent par cinq étapes pour arriver au développement :

  • la société traditionnelle : elle se caractérise par une prééminence de l'agriculture, une forte reproduction sociale et l'absence de mutations technologiques ;
  • les conditions préalables au développement : transition démographique, émergence des États et de la démocratie, transformation de l'agriculture et développement des marchés, développement de l'esprit d'entreprise ;
  • le décollage (take off) : c'est la phase la plus importante, mais aussi la plus courte. Elle se caractérise par l'augmentation de l'investissement et des innovations qui permettent la transformation du système productif, via l'apparition de « leading sector » (secteurs moteurs), et l'accélération de la croissance.
  • la maturité : cette phase voit le progrès technique se diffuser à l'ensemble de l'économie et devenir un processus auto-entretenu ;
  • la consommation de masse : dernière phase du développement, c'est celle de l'accès, pour le plus grand nombre, à la consommation de biens et de services produits en série et du développement de la protection sociale.

Fondée sur l'évolution du taux d'investissement, son étude tend à montrer que les pays en développement sont simplement en retard sur les autres (il n'ont pas encore franchi l'étape du décollage). Autrement dit, il n'y aurait pas véritablement de cause structurelle au sous-développement qui puisse handicaper durablement les pays. De ce fait, accéder au développement revient, pour un pays, à un phénomène de rattrapage, plus ou moins long, mais inéluctable. Pour accélérer ce processus, il suffit d'ailleurs, pour Rostow, de favoriser le libre-échange et le développement de l'esprit d'entreprise.

 

Pour mesurer le niveau de développement, on utilise un indicateur économique différent du PIB, l’IDH (indicateur de développement humain). Il s'agit d'un indicateur plus qualitatif que le PIB dans la mesure où il n'intègre pas seulement des données économiques.

Indice de développement humain (IDH)

(Programme TES 2011, Notions)

L'IDH, Indice de développement humain, est l'indicateur du développement économique.

Depuis le 20e anniversaire du Rapport du développement humain du PNUD, la méthodologie de calcul de l'IDH a changé. Ainsi, pour mesurer le niveau d'éducation, ce n'est plus le taux d’alphabétisation des adultes (en % de la population de + de 15 ans) et le taux brut de scolarisation combiné (du primaire au supérieur) qui sont pris en compte, mais, désormais, la durée moyenne de scolarisation et la durée attendue de scolarisation. De même, pour mesurer le niveau de vie, ce n'est plus le PIB par habitant (US$ PPA), mais le RNB par habitant (US$ PPA).
Document. Le nouveau calcul de l'IDH :

Schéma des nouvelles composantes de l'IDH

Source : PNUD, Rapport sur le développement humain, Notes techniques, 2010, p. 239. Disponible en ligne

Pour chacun des indicateurs, on calcule, un indice dimensionnel :

Indice dimensionnel = (valeur utilisée – valeur minimale)/(valeur maximale – valeur minimale).

Remarque : pour l'éducation, on calcule la moyenne géométrique des deux indices.

L'IDH s'obtient, ensuite, en calculant la moyenne géométrique des trois dimensions :

IDH = ( Ilongévité1/3 . Iinstruction1/3 . Irevenu1/3 )

L'IDH prend donc en compte non seulement le niveau de vie, mais également la santé de la population et le niveau d'éducation.

Plus l'IDH se rapproche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé. Inversement, plus il est faible, plus le niveau de développement du pays est faible.

C'est nouveau : depuis le rapport 2014 du PNUD, les seuils ont changé. Ils sont désormais de 0,55 ; 0,7 ; 0,8 et seront valables pour 5 ans.

On classe chaque année les pays en quatre grandes catégories, selon que leur développement est : faible (< 0,55), moyen (0,55 =< IDH < 0,7), élevé (0,7 =< IDH < 0,8) ou très élevé (IDH > ou égal à 0,8).

Remarque : il admet lui aussi des limites dans la mesure où, par exemple, il ne prend pas en compte le niveau d’inégalités dans le pays (c'est pourquoi a été notamment crée l'IDHI, Indice de développement humain ajusté aux inégalités).

Document. Exemple de calcul de l'IDH :

Source : PNUD, Rapport sur le développement humain, Notes techniques, 2010, p. 241. Disponible en ligne

Dernières données du PNUD sur l'IDH.

 
Document. L'IDH pour quelques pays

IDH pour quelques pays

Source : PNUD. Disponible en ligne : Fichier Excel

La croissance est-elle toujours synonyme de progrès social ?

Une croissance soutenable ?

Développement durable

Le Rapport Bruntland définit le développement durable (ou soutenable) ainsi :

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Source : Gro Harlem Brundtland, « Vers un développement durable », Notre Avenir à Tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU dit Rapport Brundtland, chapitre 2, Avril 1987.

 

Ce ne sont donc pas seulement les besoins des générations actuelles mais aussi futures qui vont déterminer le choix de société.

Pour permettre un développement durable, certaines conditions doivent être remplies :

Document. Vers un développement durable ?

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

  • le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et
  • l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir […]

Le développement implique une transformation progressive de l’économie et de la société. Cette transformation, au sens le plus concret du terme, peut, théoriquement, intervenir même dans un cadre sociopolitique rigide. Cela dit, il ne peut être assuré si on ne tient pas compte, dans les politiques de développement, de considérations telles que l’accès aux ressources ou la distribution des coûts et avantages. Même au sens le plus étroit du terme, le développement durable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations, souci qui doit s’étendre, en toute logique, à l’intérieur d’une même génération. […]

Au sens le plus large, le développement durable vise à favoriser un état d’harmonie entre les êtres humains et entre l’homme et la nature. Dans le contexte spécifique des crises du développement et de l’environnement des années 80, que les organismes politiques et économiques nationaux et internationaux n’ont pas résolues — et ne sont peut-être pas en mesure de résoudre — la poursuite du développement durable exige les éléments suivants :

  • un système politique qui assure la participation effective des citoyens à la prise de décisions,
  • un système économique capable de dégager des excédents et de créer des compétences techniques sur une base soutenue et autonome,
  • un système social capable de trouver des solutions aux tensions nées d’un développement déséquilibré,
  • un système de production qui respecte l’obligation de préserver la base écologique en vue du développement,
  • un système technologique toujours à l’affût de solutions nouvelles,
  • un système international qui favorise des solutions durables en ce qui concerne les échanges et le financement, et
  • un système administratif souple capable de s’autocorriger.

Ces conditions sont en fait les objectifs que devraient se fixer tous ceux qui entreprennent des activités, nationales ou internationales, dans le domaine du développement. Ce qui compte, c’est la sincérité avec laquelle ces objectifs sont recherchés et l’efficacité des actions correctrices. »

Source : Gro Harlem Brundtland 3), « Vers un développement durable », Notre Avenir à Tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU dit Rapport Brundtland, chapitre 2, Avril 1987.

Question :

1. À quelles conditions la croissance est-elle soutenable ? (EC1, France métropolitaine, 2015, rattrapage)

Le développement durable renvoie à l'idée de soutenabilité de la croissance. Une croissance est soutenable si elle respecte trois conditions :

  • elle doit permettre une croissance suffisante pour répondre aux besoins des populations. Cependant, celle-ci est contrôlée dans la mesure où sont pris en compte les besoins des générations futures (aspect économique) ;
  • elle se fait avec le souci de préserver l'environnement et les ressources naturelles (aspect environnemental) ;
  • elle se fait en veillant à une répartition des fruits de la croissance qui limite les inégalités et les déséquilibres de développement, en insistant particulièrement sur l'amélioration de la situation des plus démunis (aspect social).

Autrement dit, la soutenabilité ne se réduit pas à la prise en compte des conséquences négatives de la croissance sur l'environnement mais s'étend à la question sociale. Il implique une double solidarité : intragénérationnelle (à l’égard des plus démunis au sein d'une même génération) et intergénérationnelle (entre générations).

Il importe de remarquer ici que le développement durable n’exclut pas la croissance.
Le Rapport Brundtland affirme ainsi que : « le développement et la croissance sont compatibles, à condition que les contenus de celle-ci respectent les principes que sont la durabilité et la non exploitation d’autrui ».

1. L'analyse du développement durable

1.1. Petit état des lieux

1.1.1. Un bilan global alarmant

Nous avons vu, lorsque nous avons étudié le phénomène de la croissance, que l'on ne saurait s'arrêter à son aspect quantitatif uniquement. En effet, au delà de l'augmentation de la richesse économique se pose la question du développement des sociétés qui passe, entre autre, par l'amélioration du niveau de vie des populations et de leur bien-être (donc l'aspect qualitatif). Cette vision du développement économique peut être étendue à la question d'un développement durable, donc respectueux non seulement de l'environnement et des ressources naturelles mais intégrant également des préoccupations sociales, le tout sur le long terme.
Dans cette perspective, un premier bilan de la situation actuelle peut être fait.

Les études dévoilées à l'occasion de la toute récente COP21 et les résultats des négociations menées dans le cadre de celle-ci prennent ici une acuité particulière…

Alors, quel bilan peut-on tirer ?

Pour permettre de mesurer les conséquences de l'activité humaine, un indicateur utile est celui de l'empreinte écologique :

Document. Comment est calculée l'empreinte écologique ?

L'empreinte écologique mesure les surfaces biologiquement productives de terre et d'eau nécessaires pour produire les ressources qu'un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés, compte tenu des technologies et de la gestion des ressources en vigueur. Cette surface est exprimée en hectares globaux, c'est-à-dire des hectares ayant une productivité égale à la productivité biologique mondiale moyenne. Les calculs d'empreinte utilisent les facteurs de rendement pour prendre en compte les différences de productivité biologique nationale (par exemple, des tonnes de blé par hectare britannique ou argentin) et des facteurs d'équivalence pour prendre en compte les différences de productivité mondiale selon le type de milieu (par exemple, la moyenne de productivité mondiale des forêts par rapport à la moyenne mondiale des terres cultivées). Les valeurs de l'empreinte et de la biocapacité sont calculées annuellement par le Global Footprint Network. […]

Source : WWF, Rapport Planète Vivante 2008, octobre 2008, p.42. Disponible en ligne : http://assets.panda.org/downloads/lpr_wwf_2008_french.pdf

En vérité, l'empreinte écologique est un indicateur double : d'un coté, on mesure l'empreinte en elle-même, c'est-à-dire les besoins d'un individu exprimés en hectares ; de l'autre côté, on mesure la biocapacité, c'est-à-dire les ressources disponibles pour répondre à ces besoins, elles aussi exprimées en hectares. Le chiffre qui est exploité est alors la différence entre cette empreinte (les besoins) et la biocapicité (les ressources disponibles). Si les besoins sont supérieurs aux ressources, il y a un déficit ; dans le cas inverse, il y a une réserve.

L'empreinte écologique peut être utilisée comme exemple d'indicateur permettant de pallier aux limites du PIB dans la mesure des effets de la croissance sur l'environnement.
Document. Un « poids » écologique inégal entre les pays : Pays créditeurs et débiteurs écologiques

Source : Global Footprint Network, National Footprint Accounts, Édition 2016. Version interactive disponible en ligne : http://www.footprintnetwork.org/ecological_footprint_nations/

De façon générale, il est aisé de constater les disparités mondiales en matière d'atteintes à l'environnement :

  • Les zones géographiques abritant la majorité de la population mondiale, présentent un déficit de ressources par rapport aux besoins.
  • Ces zones ne sont pas uniquement localisés dans les pays en développement mais couvrent au contraire, à des degrés divers, une grande part des pays développés.
Document. Évolution de la population, l'empreinte écologique et la biocapacité mondiales

Courbes d'évolution de la population, l'empreinte écologique et la biocapacité mondiales

Source : Global Footprint Network, National Footprint Accounts, Édition 2008. Disponible en ligne : http://www.footprintnetwork.org/download.php?id=509

En terme d'évolution :

  • La population mondiale n'a cessé d'augmenter alors que les ressources disponibles sont restées relativement stables (ce qui est cohérent avec la pensée de Malthus).
  • L'empreinte écologique augmente de façon importante, et ce à un rythme plus rapide que celui de la population, dépassant la biocapacité totale durant les années 1980 (ce qui est, là encore, cohérent avec la pensée de Malthus).
Document. Empreinte écologique et biocapacité de la France

Source : Global Footprint Network. Disponible en ligne : http://www.footprintnetwork.org/fr/index.php/GFN/page/trends/france/

Note 1 : per person ou per capita signifie « par tête »/« par habitant ».
Note 2 : La qualité des données est mesurée sur une échelle de 1 à 6, 6 étant la meilleure qualité et 1 la plus faible.

  • Concernant la France, l'écart entre l'empreinte et la biocapacité semble se stabiliser autour d'un déficit de 2 hectares globaux par habitant. En 2012, la biocapacité de la France est de 3,1 hectares globaux par habitant et l'empreinte écologique de 5,1 hectares globaux par habitant, ce qui entraine un déficit de 2 hectares par habitant.

Ainsi, de façon plus générale, lorsqu'il est question de développement durable, le constat redonne une relative validité aux thèses malthusiennes.

Thomas Robert Malthus (1766-1834), économiste britannique de l'école classique, dans son Essai sur le principe des populations (1798) énonce sa « Loi de la population » selon laquelle la population croît à un rythme géométrique alors que les ressources disponibles pour répondre aux besoins de cette population (biens alimentaires notamment) croissent à un rythme arithmétique. Autrement dit, l'augmentation de la population, parce qu'elle est plus rapide que celle des ressources, conduit inexorablement à une pénurie durable des ressources et au développement de la misère. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est un fervent partisan de l'abolition de la « Loi sur les pauvres » (loi britannique d'assistance aux plus démunis) dans la mesure où elle ne fait, selon lui, qu'aggraver la situation (elle encourage, selon lui, la croissance démographique et exerce une pression d'autant plus forte sur les prix des biens de subsistance, ce qui aggrave la pauvreté). La seule véritable solution, de son point de vue, réside dans une diminution de la population.

De fait, la croissance de la population mondiale a rendu plus visibles les effets négatifs de la croissance sur le niveau des ressources naturelles.

Voir Document 1. Dossier documentaire développement durable.

1.1.2. Des ressources naturelles menacées

Pour établir un bilan correct de la question environnementale, il importe également de distinguer ressources renouvelables et non renouvelables :

  • Les ressources renouvelables, comme leur nom l'indique, sont reproductibles. Par conséquent, la consommation de ces ressources n'implique pas nécessairement leur disparition définitive. Une limite existe néanmoins à cette affirmation dans la mesure où, concernant les ressources naturelles, il existe souvent un seuil en-deçà duquel les ressources ne peuvent se régénérer.
  • Les ressources non renouvelables, à l'inverse, se caractérisent par leur nature non reproductible. De ce fait, leur quantité est limitée et la consommation de ces ressources entraine leur épuisement.

On comprend, dès lors, que l'un des principaux problèmes posé par le mode de croissance actuel est l'épuisement des ressources non renouvelables. Par exemple, les ressources d'énergie fossiles (pétrole et gaz notamment) posent aujourd'hui un problème crucial quant à leur échéance prochaine : les réserves de pétrole sont en effet estimées à environ 1/2 siècle (45 ans) au rythme de consommation actuelle, celles de gaz à 65 ans et celles de charbon à un peu plus de 200 ans. Cet exemple peut être, en particulier, étendu à l'ensemble des matières premières nécessaires à la production humaine.

Les ressources naturelles renouvelables ne sont par pour autant exemptes de risques. On constate notamment l'aggravation des menaces pesant sur la biodiversité. Celle-ci peut se définir à la fois en terme de variété et d'importance des espèces et des écosystèmes. Ainsi, on assiste à une réduction de la biodiversité concernant les ressources halieutiques, cynégétiques et végétales.
Cette réduction de la biodiversité s'explique, d'abord, par la sur-exploitation des ressources qui peuvent conduire à la disparition de certaines espèces. Elle s'explique, ensuite, par la prolifération d'espèces invasives et nuisibles qui menacent les autres. Elle s'explique, enfin, par les menaces qui pèsent sur l'habitat naturel des différentes espèces.

Voir Document 6 & 7. Dossier documentaire développement durable.

1.1.3. La dégradation de l'environnement

À ce problème de l'épuisement des ressources naturelles s'ajoute celui de la dégradation de l'environnement (qui n'est d'ailleurs pas sans lien, comme dans le cas de l'empoisonnement des ressources ou de la propagation de maladies). En effet, en produisant, les agents économiques sont à l'origine d'externalités négatives et, en particulier, d'émissions polluantes et de rejets de déchets en quantité de plus en plus importante.

Rappel :


Externalités

(Programme 2nde 2010, Notions (effets externes) ; Programme 1ES 2010, Notions ; Programme TES 2011, Acquis de première)

Les externalités ou effets externes sont les conséquences d’une action individuelle sur un autre acteur, qui ne sont pas prises en compte par le marché ou le système de prix. Il est usuel de dire qu'elles sont le « résultat non voulu d'une action voulue ».

Elles peuvent être positives (exemples : l'implantation de ruches à proximité d'un verger, la vaccination, la recherche) ou négatives (exemples : la pollution, la dégradation de ressources naturelles, le bruit).

Leur existence est donc à l'origine d'une défaillance du marché et justifie l’intervention publique, permettant d’ « internaliser » les externalités (c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient prises en compte par les agents économiques dans leurs calculs coût/avantage).

Exemples : instauration par l'État d’une taxe sur les produits polluants (souvent nommée taxe « Pigou »), subventions à la recherche, vaccination gratuite et obligatoire, etc.

 

Or, ces effets négatifs sont d'autant plus problématiques à résoudre qu'ils sont difficilement mesurables, que l'attribution des responsabilités quant à leur origine est souvent impossible et qu'il est difficile d'en traiter les conséquences. C'est tout particulièrement vrai s'agissant du changement climatique.

Voir Document 3 & 4. Dossier documentaire développement durable.

Au final, force est de constater que la situation environnementale est devenue préoccupante.

1.2. L'analyse du développement durable repose sur la prise en compte de différents capitaux

Pour analyser la question du développement durable, les économistes s'appuient sur la prise en compte des quatre types de capitaux suivants :

Capital humain

(Programme 2nde 2010, Notions ; Programme TES 2011, Notions)

La notion de capital humain a été rendue célèbre par Gary Stanley Becker (microéconomiste, Prix Nobel d'économie 1992, 1930-2014).
Gary S. Becker définit le capital humain de la façon suivante :

« […] Schooling, a computer training course, expenditures on medical care, and lectures on the virtues of punctuality and honesty are capital too in the sense that they improve health, raise earnings, or add to a person’s appreciation of literature over much of his lifetime. Consequently, it is fully in keeping with the capital concept as traditionally defined to say that expenditures on education, training, medical care, etc., are investments in capital. However, these produce human, not physical or financial, capital because you cannot separate a person from his knowledge, skills, health, or values the way it is possible to move financial and physical assets while the owner stay put. […] »

Source : Gary S. Becker, Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education, University of Chicago Press, 3ème édition, 1993 (édition originale : 1964), pp. 15-16.

Le capital humain désigne ainsi l’ensemble des connaissances, des qualifications et des aptitudes acquises par les individus (il est donc un résultat de la production).
Il détermine leur capacité à participer efficacement à l'activité productive (il est donc un facteur de production) et à en tirer un revenu.
Il peut être accumulé (augmenter) grâce à des investissements, c'est-à-dire au travers de l’éducation et l’apprentissage (formation initiale), puis par la formation continue et l’expérience professionnelle.
Enfin, il est sensible au phénomène d'obsolescence lorsqu'il n'est pas entretenu (voir l'idée d'employabilité).

 
Capital institutionnel

Le capital institutionnel correspond à l'ensemble formé par les institutions.

Voir institution.

 

Les institutions sont définies par Douglass Cecil North (1920-2015), économiste et historien américain :

« Institutions are the humanly devised constraints that structure human interaction. They are made up of formal constraints (rules, laws, constitutions), informal constraints (norms of behavior, conventions, and self imposed codes of conduct), and their enforcement characteristics. Together they define the incentive structure of societies and specifically economies. »

Source : Douglass C. North, Prize Lecture: Economic Performance through Time, publié dans Economic Performance Through Time, The American economic review, vol. 84, n°3, 1994, p. 360. Il s'agit de sa Conférence pour le Prix de la Banque de Suède en l'honneur d'Alfred Nobel4) en 1993. Disponible en ligne : http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/economic-sciences/laureates/1993/north-lecture.html

Les institutions sont les contraintes établies par les individus, contraintes qui structurent les interactions humaines. Elles se composent :

  • de contraintes formelles : règles, lois, constitutions,
  • de contraintes informelles : normes de comportement, conventions, codes de conduite personnels,
  • des modalités d'application de ces contraintes.
 
Capital naturel

(Programme TES 2011, Notions)

Le capital naturel est l'ensemble des ressources naturelles utilisables pour produire.
Exemples : ressources minérales, cynégétiques (faune sauvage), halieutiques (aquatiques), végétales…

Le capital naturel doit donc être considéré comme un stock. Ce stock est limité. Dans une perspective de développement durable, il importe donc de le préserver.
Il n'est pas nécessairement produit, mais les ressources qu'il fournit sont exploitables par l'homme. Ainsi, les forêts gérées par l'Office National des Forêts (ONF, organisme français), par exemple, sont le résultat d'une production. Par contre, les forêts primaires ne sont pas le résultat d'une production, mais elles peuvent être exploitées pour produire. De même, les poissons issus de la pisciculture (élevage des poissons) sont produits, à l'inverse des poissons « sauvages ».

Remarque : ce n'est pas parce qu'il est exploitable, qu'il est forcément exploité.

 
Capital physique

(Programme TES 2011, Notions)

Le capital physique est l'ensemble des biens produits utilisés comme facteurs de production. Il sert donc à produire et est lui-même un résultat de la production.
Exemples : bâtiments, machines…

Remarque : le capital physique semble se distinguer du capital technique et du capital fixe, tel que les définit la comptabilité nationale, en ce que ces derniers incluent des éléments immatériels et pas seulement matériels. Le capital physique serait alors matériel… sauf que certains auteurs adoptent une acception large du capital physique qui inclut, elle aussi, des éléments immatériels. Bref, il existe un flou sur cette question…

 

Ces quatre capitaux permettent de décrire l'ensemble des ressources à considérer dans le cadre d'une économie productive.

À ces quatre capitaux est, parfois, ajouté le capital social, dans la mesure où, dans un monde de plus en plus interconnecté, le capital correspondant aux ressources relationnelles n'est pas sans impact sur la sphère économique. C'est le cas, par exemple, du document 1 (issu de la Banque mondiale, Dossier documentaire sur le développement durable) qui regroupe le capital humain, le capital social et le capital institutionnel au sein du capital immatériel.

Celui-ci se caractérise de la façon suivante :

Capital social

(Programme 1ES 2010, Notions ; Programme TES 2011, Acquis de première)

Le capital social est un ensemble de ressources relationnelles dont il est possible de tirer profit.

Il est défini par Pierre Bourdieu comme suit :

« Le capital social est l’ensemble des ressources mobilisées (des capitaux financiers, mais aussi de l’information, etc.) à travers un réseau de relations plus ou moins étendu et plus ou moins mobilisable qui procure un avantage compétitif en assurant aux investissements des rendements plus élevés. »

Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Liber, Seuil, Paris, 2000, p. 237.

Il ajoute que cette définition du capital social :

« prend en compte non seulement le réseau des relations, caractérisé dans son étendue et sa viabilité, mais aussi le volume du capital de différentes espèces qu’il permet de mobiliser par procuration (et, du même coup, les profits divers qu’il peut procurer : promotions professionnelles, participation à des projets, accès à des décisions importantes, occasions d’investissements financiers ou autres). »

Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Liber, Seuil, Paris, 2000, p. 237n.

 

Comme toute forme de capital, ces différents types de capitaux peut faire l'objet d'une accumulation (augmentation du stock de capital) ou d'une destruction (diminution du stock de capital). La dotation en capital n'est donc pas figée.
De même, la dotation en capital des différents types varient d'un pays à l'autre en fonction du territoire, du niveau de développement, des investissements réalisés, des politiques publiques, etc. On retrouve à cet égard la question des inégalités de développement économique puisque les pays les plus développés sont le plus souvent ceux qui sont les mieux dotés dans les différents capitaux et/ou, lorsqu'ils ne le sont pas, sont en mesure d'obtenir les ressources en capitaux qui leurs font défaut (on peut repenser ici à l'exemple des sociétés pétrolières ou minières dont la localisation se situe majoritairement dans les pays développés alors que leur activité d'exploitation est essentiellement située dans des pays en développement).

Voir Document 2. Dossier documentaire développement durable.

1.3. Les différentes analyses théoriques de la soutenabilité

L'analyse théorique de la soutenabilité tente de dégager les mécanismes qui permettraient de garantir un développement durable. Deux courants théoriques principaux s'opposent de ce points de vue : les tenants de la soutenabilité dite « faible » et ceux de la soutenabilité dite « forte ».

1.3.1. La soutenabilité « faible » (ou durabilité faible)

Cette approche est celle que l'on trouve chez les économistes néoclassiques. Le point de départ de cette approche théorique, consiste à considérer que les différents types de capitaux sont substituables.

Il faut repenser ici à la distinction entre facteurs de production substituables et complémentaires.

Si l'on considère que les capitaux sont substituables, cela signifie que l'on peut les remplacer les uns par les autres. Dans ce cadre, l'objectif poursuivi consiste à préserver l'ensemble formé par les différents types de capitaux :
Stock total des différents types de capitaux = Capital naturel + capital physique + capital humain + capital institutionnel.
C'est donc le niveau de ce stock total qu'il faut chercher à maintenir, voire à augmenter.

Quelle est la conséquence de cette hypothèse pour le développement durable ?
Si le capital naturel diminue (suite à l'épuisement de certaines ressources, par exemple), il faut que cette diminution soit compensée par l'augmentation de l'un des autres types de capitaux (capitaux physique, humain et institutionnel).

L'objectif poursuivi est, en effet, le maintien (voire l'augmentation) du niveau de bien-être des populations dans le temps. Or, pour maintenir ce bien-être, les individus doivent pouvoir obtenir la satisfaction de leurs besoins. Si le niveau global de capital diminue, ce maintien du bien-être devient impossible. D'où l'objectif de sauvegarde du niveau global de capital.

Cette vision est souvent considérée comme « optimiste » dans le sens où les mécanismes du marché, et surtout, l'innovation vont contribuer à garantir un développement durable.
Le progrès technique est, de fait, considéré comme une solution possible aux problèmes posés par le développement durable. Face aux pénuries de ressources naturelles, par exemple, les agents économiques sont incités à innover pour leurs trouver des substituts (ou du moins, réduire la consommation de ces ressources).
Le mécanisme est le suivant : lorsque la quantité disponible d'une ressource diminue, son prix augmente. Le coût que doit supporter un agent économique pour obtenir la quantité nécessaire à la satisfaction de ses besoins s'élève donc. Il devient alors rentable pour lui de financer des dépenses (celles liées à la R&D en particulier) visant à lui offrir des alternatives à cette ressource.
C'est le cas notamment du pétrole. Si les prix de celui-ci fluctuent en fonction d'éléments conjoncturels, il n'en reste pas moins que son prix s'élève de façon tendancielle. Cela a encouragé la R&D nécessaire à l'exploitation de gisements difficiles d'accès et par là trop coûteux à exploiter précédemment ainsi qu'à la recherche d'énergies de substitution.

Cette vision optimiste est renforcée par l'idée selon laquelle le développement en lui-même est une solution au problème du développement durable. Ici, intervient la courbe de Kuznets (à l'origine développée pour analyser l'évolution des inégalités), appliquée à la question du développement durable.


Courbe de Kuznets

Simon Kuznets, Prix Nobel d’économie en 1971, analyse la relation entre croissance économique et inégalités économiques au travers de ce que l'on appellera la « courbe de Kuznets » :

Nous voyons donc […] que dans les pays développés la répartition du revenu dépend de facteurs très divers dont les uns favorisent une réduction de l’inégalité alors que les autres la renforcent. Il semble raisonnable de supposer qu’au début de la croissance, l’inégalité a augmenté dans la distribution du revenu total en raison de l’expansion rapide du secteur non agricole et de l’apparition de disparités de revenus plus accusées en son sein. Il est plus fondé encore de faire valoir que la réduction récente de l’inégalité des revenus provient de l’effet conjugué d’une réduction des disparités dans la production par travailleur, du déclin de la part que le revenu provenant de la propriété représente dans le revenu total des ménages et, enfin, des changements structurels qui ressortent des mesures arrêtées dans le domaine de la Sécurité Sociale et du plein-emploi.

Source : Simon Kuznets, La croissance économique moderne, 1971.

Pour commencer, il faut se souvenir que le mécanisme sur lequel repose la courbe de Kuznets est principalement lié aux modifications sectorielles des économies (notamment les mécanismes du déversement et de la destruction-créatrice).

  • Phase 1 : L'économie croît et les inégalités également

Au départ, seul le secteur agricole est développé. Lorsque l'économie commence à croître, le secteur non agricole (Kuznets pense surtout au secteur industriel, mais on peut également faire référence aux services) se développe.

Conséquences :

⇒ Le nouveau secteur étant plus productif que le secteur agricole, il génère davantage de gains. Cela conduit à une augmentation des inégalités par augmentation des écarts de revenu entre le nouveau secteur et l’ancien secteur.
⇒ De plus, au sein du nouveau secteur, ce sont les agents économiques les plus productifs qui voient leurs revenus augmenter le plus. Cela se traduit par une augmentation des écarts de revenu au sein du nouveau secteur.

Au total, on voit les inégalités se creuser entre l'ancien et le nouveau secteur ainsi qu'au sein même du nouveau secteur.

  • Phase 2 : L'économie continue à croître, mais les inégalités se résorbent

Au bout d’un certain niveau de croissance, l'économie arrive à maturité.

Conséquences :

⇒ Innovations et amélioration du capital humain se sont étendues à l'ensemble de la production, entraînant une réduction des écarts de productivité entre les deux secteurs et au sein du nouveau secteur.
⇒ Par ailleurs, les moins productives ont désormais disparu (destruction-créatrice) et les agents économiques ont fini de se reconvertir (déversement et imitation), entraînant une baisse des gains des “pionniers” du nouveau secteur.
⇒ Enfin, l'intervention de l'État-providence permet le développement de la sécurité sociale, des politiques de redistribution et de lutte contre le chômage.

Au total, les mécanismes de marché ont réduit les inégalités entre les deux secteurs et au sein de chacun des secteurs. Les inégalités de salaire et de patrimoine ont donc tendance à diminuer. La création d’une protection sociale généralisée renforce cette diminution. Bref, les inégalités globales baissent.

Représentation graphique de la courbe de Kuznets :

version odp

 

Appliquée au développement durable, le raisonnement de Kuznets consiste à affirmer que les effets négatifs (pollution…) liés à l'activité humaine sont élevés lorsque le niveau de développement est faible mais qu'ils diminuent ensuite, lorsque le développement s'élève. Encore une fois, ce raisonnement est, en partie, lié au progrès technique : au fur et à mesure du développement, les innovations permettent de réduire les effets négatifs auparavant incontournables.
De plus, les activités les plus polluantes sont davantage présentes dans les premières phases du développement. En effet, le secteur tertiaire (services) est, globalement, moins générateur d'effets négatifs que les secteurs primaire (agriculture) et secondaire (industrie). Or, dans les économies développées, ces derniers tendent à se réduire au profit du secteur tertiaire.
Enfin, les comportements des individus, et donc la demande qu'ils expriment, évoluent en fonction du niveau de développement. Ainsi, les préoccupations des individus, dans les pays développés, ne se réduisent plus à la satisfaction de leurs besoins élémentaires mais passent par des exigences plus importantes en terme de qualité de vie, une demande orientée davantage vers les services de conforts et de loisirs (activités moins polluantes)…

1.3.2. La soutenabilité « forte » (ou durabilité forte)

Pour les tenants de la soutenabilité forte, que l'on trouve notamment dans les courants hétérodoxes, la vision soutenue est nettement plus “pessimiste”.

Ils considèrent en effet que le capital naturel est spécifique, il ne saurait donc être remplacé par les capitaux produits par l'homme. Par conséquent, il est non substituable et il faut donc le préserver.
Le développement durable est alors garanti seulement si le stock de capital naturel ne décroît pas.

Dans ce cadre, le progrès technique n'est pas suffisant pour permettre le développement durable et ce d'autant qu'il peut conduire à une effet “rebond”5) : les gains de productivité réalisés grâce au progrès technique peuvent, paradoxalement, conduire à une augmentation de la consommation des ressources dans la mesure, notamment, où ces gains conduisent à la diminution de leur coût.

C'est donc par d'autres moyens qu'il faut garantir le développement durable. Cela passe, bien sûr, par la baisse de la consommation des ressources. C'est de là que se développe les théories de la décroissance ou de la croissance zéro. Ces dernières années, ce sont en effet multipliés les appels à une « croissance zéro » voire à « décroissance » de l'économie. Il ne s'agit plus seulement de revendiquer une croissance « soutenable », c'est-à-dire une croissance respectueuse de l'environnement et des ressources naturelles, mais un arrêt de la croissance de la production ou même sa diminution.

La décroissance n'est pas synonyme de récession/dépression. Elle est le résultat d'une action volontaire consistant à réduire la croissance économique dans le but de préserver l'environnement et les ressources naturelles. Dans le même ordre d'idée, la croissance zéro vise à une stagnation du taux de croissance.

C'est dans cet ordre d'idée également qu'est formulé le principe de précaution :

Le principe de précaution est d'abord définit de la façon suivante, lors de la Conférence de Rio :

« Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »

Source : Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement,, Principe 15, Rio de Janeiro, Brésil,3-14 juin 1992. Disponible en ligne : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm

Ce principe de précaution est formulé de la façon suivante lorsqu'il entre dans la Constitution française en 2005 :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Source : Charte de l'environnement (ajoutée à la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005), Article 5, 2004. Disponible en ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/charte-de-l-environnement-de-2004.5078.html

II. Les politiques climatiques

2.1. La nécessité de l'intervention publique

Tout d'abord, l'environnement dans son ensemble relève souvent des biens communs et/ou des biens collectifs (vu en 1ES).

Rappel :


Biens collectifs

(Programme 1ES 2010, Notions)

Un bien collectif est d'abord un bien qui peut être utilisé simultanément par plusieurs individus sans que la consommation de l’un ne réduise la consommation des autres (propriété de non-rivalité). À cette propriété de non-rivalité s’ajoute une propriété de non-exclusion. Dans ce dernier cas, aucun agent privé ne peut exclure de la consommation du bien les utilisateurs qui ne sont pas disposés à payer (on parle parfois de bien collectif pur dans ce cas).
Exemples : l’éclairage public, la défense nationale.

 
Biens communs

(Programme TES 2011, Notions)

Un bien commun se caractérise par une propriété de non-exclusion : aucun agent privé ne peut exclure de la consommation du bien les utilisateurs qui ne sont pas disposés à payer.
Par contre, un bien commun est un bien dont la consommation par un agent économique réduit la consommation des autres (propriété de rivalité).
Exemples : les transports en commun.

 

On comprend, au vu des caractéristiques de ces biens, la nécessité des politiques publiques. En effet, les mécanismes du marché ne peuvent permettre à eux seuls le traitement de ces biens spécifiques dans la mesure où la non-exclusion implique une difficulté à faire payer le prix de ces biens aux agents économiques (phénomènes de passager clandestin) et un risque de sur-consommation de ces biens.
C'est le cas, par exemple, pour le climat dans la mesure où il peut être considéré comme bien collectif. En effet, la dégradation du climat liée à l'activité humaine n'est pas prise en charge par le marché et, les agents économiques n'étant pas enclins à payer volontairement le coût de sa préservation, celle-ci passe par une intervention de l'État.

À cela il faut ajouter l'idée que les politiques publiques ne trouvent leur efficacité qu'à une échelle supra-nationale.
Si on prend l'exemple du climat toujours, il n'est guère possible d'envisager une politique climatique nationale, dans la mesure où la question climatique ne se réduit pas aux frontières d'un État. Or, la mise en place de politiques supra-nationales posent d'épineux problèmes de souveraineté et de conflits d'intérêt entre pays.

On peut souligner ici le rôle que joue les ONG (Organisations Non Gouvernementales), telles que le WWF ou Greenpeace. L'action de ces organisations prend de l'ampleur, dans un premier temps, à la suite d’accidents et catastrophes survenus (tels que l'accident du pétrolier Exxon Valdez en 1989) et de leur forte médiatisation (rendant plus visibles les dégâts sur l’environnement) et, dans une second temps, du souci de l’écologie qui va croissant dans la population mondiale. Les cibles de ces ONG sont principalement les gouvernements et les institutions internationales d’une part et les entreprises (notamment les multinationales) d’autre part. Elles mène d'autre part une action d'information du public sur les questions climatiques.

De plus, les effets négatifs sur l'environnement sont essentiellement issus d'externalités négatives, qui ne sont, elles non plus, pas prises en charge par le marché. Là encore, se justifie l'intervention de l'État pour pallier à cette défaillance du marché.

Enfin, les pouvoirs publics ont la possibilité de mettre en place des place des mesures coercitives, contrairement aux agents économiques, qu'il s'agisse des entreprises ou des individus. On peut se souvenir ici que Max Weber souligne que l'État se définit justement par le fait qu'il détient « le monopole de la violence symbolique légitime ».

Pour aller plus loin : Document. Design principles illustrated by long-enduring CPR [common pool of ressources] institutions

« 1. Clearly defined boundaries
Individuals or households who have rights to withdraw resource units from the CPR must be clearly defined, as must the boundaries of the CPR itself.

2. Congruence between appropriation and provision rules and local conditions
Appropriation rules restricting time, place, technology, and/or quantity of resource units are related to local conditions and to provision rules requiring labor, material, and/or money.

3. Collective-choice arrangements
Most individuals affected by the operational rules can participate in modifying the operational rules.

4. Monitoring
Monitors, who activelyaudit CPR conditions and appropriator behavior, are accountable to the appropriators or are the appropriators.

5. Graduated sanctions
Appropriators who violate operational rules are likely to be assessed graduated sanctions (depending on the seriousness and context of the offense) by other appropriators, by officials accountable to these appropriators, or by both.

6. Conflict-resolution mechanisms
Appropriators and their officials have rapid access to low-cost local arenas to resolve conflicts among appropriators or between appropriators and officials. 7. Minimal recognition of rights to organize
The rights of appropriators to devise their own institutions are not challenged by external governmental authorities.

For CPRs that are parts of larger systems:
8. Nested enterprises
Appropriation, provision, monitoring, enforcement, conflict resolution, and governance activities are organized in multiple layers of nested enterprises. »

Source : Elinor Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge University Press, 1990, p. 90.

2.2. Les objectifs des politiques climatiques

Favoriser le développement durable passe par une série d'objectifs que se donnent les pouvoirs publics.

Mettre en place un politique climatique signifie avant tout lutter contre le dérèglement climatique.
Cela passe, par exemple, par :

  • Favoriser la transition énergétique.
  • Réduire les émissions nocives à l'environnement (Gaz à Effet de Serre -GES…)
  • Contribuer aux changements des comportements individuels : sensibilisation du public aux questions climatiques, tri sélectif, covoiturage…
  • Favoriser la R&D
  • Préserver les ressources naturelles : parcs naturels protégés…

Quelques dates sont marquantes à cet égard :

Chronologie du développement durable
  • 1972 : Halte à la croissance !, Rapport commandé par le Club de Rome, dit Rapport Meadows est le premier travail à faire date en matière de prise de conscience environnementale.
  • 1973 : Premier choc pétrolier sur fond de guerre du Kippour entre Israël et ses voisins arabes. Embargo à l’initiative de l’Arabie Saoudite et réduction des exportations de brut de l'ensemble des pays du Golfe. Le prix du baril flambe.
  • 1979 : Deuxième choc pétrolier accompagnant la chute du Shah d’Iran et la révolution islamique. Là encore, le prix du baril flambe.
  • 1979 : Première conférence mondiale de l’ONU sur le climat de Genève (Suisse).
  • Nuit du 2 au 3 décembre 1984 : Catastrophe de Bhopal (Inde). Un nuage toxique va faire de nombreuses victimes à la suite d'une explosion dans une usine agro-chimique.
  • 26 avril 1986 : Catastrophe nucléaire de Tchernobyl (Ukraine), suite à l'explosion en 1986 du réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl qui provoque la diffusion de nuages radioactifs de grande ampleur.
  • 1987 : Notre Avenir à Tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU dit Rapport Brundtland, avril 1987, lance le concept de développement durable.
  • 1988 : Création du GIEC, Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat.
  • 1989 : Deuxième conférence mondiale de l’ONU sur le climat de La Haye.
  • 1992 : La conférence de Rio de Janeiro (Brésil), nommée Sommet de la Terre, est organisée par la CNUCED). Elle adopte notamment l'Agenda 21, la Convention sur le changement climatique, la Convention sur la biodiversité, la Déclaration sur les forêts et la Déclaration sur l’environnement et le développement. Il donne une notoriété planétaire au concept développement durable.
  • 1995 : Conférence sur le développement social de Copenhague (Danemark), conférence sur les changements climatiques de Berlin (Allemagne, quotas d'émissions de gaz à effet de serre) et conférence sur la protection de la couche d’ozone de Vienne (Autriche).
  • 1997 : Deuxième Sommet de la Terre de New York (États-Unis) et troisième Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Kyoto (Japon). Cette dernière adopte le Protocole de Kyoto qui fixe comme objectif une réduction de 5,2 % des émissions de gaz à effet de serre à échéance 2012 par rapport au niveau de 1990.
  • 1998 : Quatrième Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Buenos Aires (Argentine).
  • 2000 : Conférence de La Haye (Pays-Bas).
  • 6 au 8 septembre 2000 : Sommet du Millénaire des Nations unies de New York. Il adopte la Déclaration du Millénaire qui liste les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) à atteindre en 2015 :
  1. Éliminer l'extrême pauvreté et la faim
  2. Assurer l'éducation primaire pour tous
  3. Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes
  4. Réduire la mortalité infantile et post-infantile
  5. Améliorer la santé maternelle
  6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies
  7. Préserver l'environnement
  8. Mettre en place un partenariat pour le développement
  • 2002 : Conférence de Johannesburg (Afrique du Sud).
  • 2006 : Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Nairobi (Kenya).
  • 12 octobre 2007 : Le prix Nobel de la paix est attribué à Al Gore (ancien vice-président américain) et au GIEC (Groupe intergouvernemental des Nations unies sur l'évolution du climat).
  • 2007 : Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Bali (Indonésie).
  • 2008 : Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Poznam (Pologne).
  • 2010 : Sommet de Cancun (Mexique) sur le climat qui donne \\lieu aux Accords de Cancun.
  • 11 mars 2011 : Catastrophe nucléaire de Fukushima (Japon) à la suite d'un séisme de magnitude 8,9 et du tsunami qui s'ensuit.
  • 20-22 juin 2012 : Sommet de la terre, dit Rio + 20, à Rio de Janeiro (Brésil).
  • 30 novembre-11 décembre 2015 : Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Paris-Le Bourget (France), dite COP21 (pour 21ème COnférence des Parties). Voir : http://www.cop21.gouv.fr/
 

2.3. Les instruments des politiques climatiques

Il existe trois principaux instruments pour mener des politiques climatiques : la règlementation (entendue au sens de normes), la taxation et les marchés de quota d'émission.

2.3.1. La réglementation

Voir Document 10. Dossier documentaire développement durable.

La réglementation passe par la mise en place, par les pouvoirs publics, de normes (lois, règlements, décrets…) qui s'imposent aux agents économiques. Il peut s'agir d'obligation ou, plus souvent en matière de climat, d'interdiction.

C'est un instrument qui, de part sa nature, est contraignant. Il implique, de la part de l'État, la mise en place de structures de contrôle et d'un système de sanction visant au respect de la règlementation en vigueur.

L'État peut, par exemple, interdire l'utilisation de certains produits (depuis le 1er janvier 2016, est ainsi interdite l'utilisation des sacs en plastiques non recyclables), fixer les limites d'émissions pour les substances responsables de la pollution…

La règlementation n'est pas sans inconvénient.
Elle implique notamment la capacité à définir clairement l'objet de la norme… ce qui n'est pas toujours évident.
Elle peut également s'avérer lourde et coûteuse à mettre en place du fait des contrôles et des sanctions qui l'accompagne… sans compter qu'elle peut susciter des comportements –légaux ou illégaux – visant à la contourner…

2.3.2. La taxation

Voir Document 11. Dossier documentaire développement durable.

C'est Arthur Cecil Pigou (1877-1955) qui est à l'origine de l'idée d'une taxe (qu'on appelle d'ailleurs souvent taxe « Pigou » ou « pigouvienne ») visant spécifiquement à modifier le comportement des agents économiques les plus pollueurs : c'est le fameux principe « pollueur-payeur ». Il ne s'agit pas tant ici de contraindre l'agent économique que de l'inciter à modifier – de lui-même – son comportement pour ne pas avoir à payer la taxe. D'une certaine façon, il s'agit pour l'État de fixer un prix à la pollution.
En effet, aux coûts qu'il supporte habituellement, s'ajoutera le coût de la taxe qu'il devra payer s'il pollue.
On comprend d'ailleurs que la taxe sera d'autant plus efficace que son coût sera élevé pour le pollueur.
Par ailleurs, elle peut parfois impliquer l'affectation des recettes à une utilisation spécifique (financement de mesure de dépollution…).

Comment peut-il donc échapper à la taxe ?

À court terme, cela peut passer par la substitution des substances utilisées au profit d'autres moins polluantes (mais qui n'étaient pas rentables jusque là car plus chères), cela peut passer également par la baisse de la quantité produite (ce qui réduit là aussi la pollution)…

À plus long terme, cela peut passer par la modification du processus de production dans un sens plus favorable à l'environnement, par le recours à la R&D…

Là encore, la mise en place d'une taxe n'est pas sans inconvénient. Elle pose, elle aussi des problèmes de définition, notamment du niveau de la taxe et implique la mise en place de structure de collecte parfois plus couteuses que le fruit de la taxe.
Elle pose également la question de son acceptabilité et ce d'autant plus lorsqu'elle est mise en place à une échelle supra-nationale. Elle peut en effet susciter des comportements de fraudes et de fuites, au niveau des agents économiques, et poser des problèmes de souveraineté, au niveau des États.

2.3.3. Les marchés de quotas d’émission

Voir Document 12, 13 & 14. Dossier documentaire développement durable.

Le marché de quotas d’émission (ou « marché de permis d’émission ») consiste à créer un marché sur lequel s'échange des « droits à polluer » ou « permis » correspondant à des droits à émettre un certain niveau de pollution (les « quotas »).

Les pouvoirs publics vont ici fixer une quantité globale de pollution (qui correspond donc au maximum de pollution qui peut être émise) qu'ils répartissent entre les agents économiques (essentiellement les entreprises).
Cette répartition initiale peut se faire en fonction de la taille, des émissions de pollution antérieures.
Elle peut également faire l'objet d'enchères (auquel cas la répartition initiale à elle-même un coût pour les agents économiques).

Les agents économiques pourront, par la suite, s'échanger les permis, à un prix fixé par le marché. Les agents peu pollueurs peuvent, en effet, vendre les permis en excédent, tandis que les agents les plus pollueurs peuvent acheter des permis pour répondre à leurs besoins lorsqu'ils ne sont pas couverts par les permis déjà en leur possession.

Le problème des marché de quotas d’émission est que leur efficacité dépend de plusieurs éléments. Ils sont d'autant plus efficaces que :

  • le prix constaté sur le marché est élevé (or nous avons vu qu'il avait beaucoup diminué ces dernières années, et ce d'autant plus qu'il est sensible aux variations conjoncturelles),
  • le nombre de polluants concerné est élevé,
  • l'étendue des agents économiques concernés est grande (en terme de nombre d'entreprises, de secteurs/branches…).

Le partage de la croissance

1)
Cette définition est souvent attribuée au NBER (National Bureau of Economic Research, organisme de recherche américain) qui dément cette paternité : “The NBER does not define a recession in terms of two consecutive quarters of decline in real GDP. Rather, a recession is a significant decline in economic activity spread across the economy, lasting more than a few months, normally visible in real GDP, real income, employment, industrial production, and wholesale-retail sales.” Source : http://www.nber.org/cycles.html. Voir aussi : http://www.nber.org/cycles/recessions.html
2)
Pour François Perroux, la croissance est celle de « quelque chose », un « indicateur de dimension », le développement celui de « quelqu'un », « tout l'homme et tous les hommes ». Voir François Perroux, L'économie du XXème siècle, PUF, 1961.
3)
Gro Harlem Brundtland, membre du Parti travailliste, ministre de l'Environnement de 1974 à 1979, première femme ministre d'État (chef du gouvernement) en Norvège (en 1981, de 1986 à 1989, et de 1990 à 1996), elle préside la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement (ONU) à partir de 1983 qui publiera le rapport dont est issu ce document.
4)
The Sveriges Riksbank Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel.
5)
cf. le paradoxe de Jevons
ses/dossier_documentaire_croissance.1477767894.txt.gz · Dernière modification: 2016/10/29 19:04 de yam