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ses:tes:6 [2020/11/19 19:22] (Version actuelle)
yam Création Comment est structurée la société française actuelle ?
Ligne 1: Ligne 1:
 +====== Chapitre 3. Comment est structurée la société française actuelle ? ======
 +
 +<- //[[.:]]//
 +
 +**Programme officiel :** « Comment est structurée la société française actuelle ? ». //Années paires et impaires//.
 +
 +**Notions :** structure sociale, hiérarchie sociale, inégalités économiques, inégalités sociales, **espace social**, **catégorie socioprofessionnelle**, **revenu**, **diplôme**, **ménage**, **cycle de vie**, **sexe**, **lieu de résidence**, **structure socioprofessionnelle**, **salarisation**, **tertiarisation**, **qualification**, **féminisation des emplois**, **classes sociales**, **stratification sociale**, groupes de statut, **distances inter-classes**, **distances intra-classes**, **groupe social**, **rapports sociaux de genre**, **individualisation**.
 +
 +**Acquis de première :** salaire, profit, revenus de transfert.
 +
 +**Quelques exemples de sujets du bac :**\\
 +**Anciens sujets :**\\
 +**EC1 :**\\
 +Qu'est-ce qui distingue l'approche des classes sociales chez Marx et Weber ? (France métropolitaine, 2012)\\
 +Montrez que les inégalités économiques et sociales peuvent se cumuler. (Liban, 2013)\\
 +Montrez à partir d'un exemple comment les inégalités économiques peuvent être à l'origine d'inégalités sociales. (Polynésie, 2013)\\
 +Montrez le caractère multiforme des inégalités. (Autres centres étrangers, 2013)\\
 +Quelles sont les caractéristiques des groupes de statut selon Max Weber ? (France métropolitaine, 2013)\\
 +Pourquoi peut-on dire qu'il existe des inégalités sociales entre générations ? (Amérique du Sud, 2013)\\
 +Illustrez par un exemple le caractère cumulatif des inégalités économiques et sociales. (Amérique du Nord, 2014)\\
 +En vous appuyant sur un exemple de votre choix, vous montrerez le caractère cumulatif des inégalités économiques et sociales. (Autres centres étrangers, 2014)\\
 +Distinguez classes sociales et groupes de statut dans l'approche weberienne. (Antilles-Guyane, 2014)\\
 +Montrez que les inégalités sociales sont multiformes. (Antilles-Guyane, 2015)\\
 +Présentez la théorie des classes sociales selon Karl Marx. (Asie, 2016)\\
 +Montrez que les inégalités sociales peuvent être à l'origine d'inégalités économiques. (Nouvelle-Calédonie, 2016)\\
 +En quoi l'analyse des classes sociales de Max Weber se distingue-t-elle de celle de Karl Marx ? (France métropolitaine, 2017)\\
 +Montrez que les catégories socioprofessionnelles sont un moyen de rendre compte de la structure sociale. (Amérique du Sud, 2017)\\
 +Quelles sont les caractéristiques des classes sociales selon Karl Marx ? (Amérique du Nord, 2018)\\
 +Montrez à l'aide d'un exemple que les inégalités économiques et sociales peuvent être cumulatives. (France métropolitaine, 2018)\\
 +**EC3 :**\\
 +Vous montrerez que les inégalités peuvent avoir un caractère cumulatif. (France métropolitaine, 2013)\\
 +À l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que les inégalités ont un caractère multiforme. (Antilles-Guyane, 2014, rattrapage)\\
 +Vous montrerez que les inégalités ne sont pas seulement économiques. (Amérique du Sud, 2014)\\
 +Vous montrerez qu'il existe une multiplicité de critères pour rendre compte de la structure sociale. (Nouvelle-Calédonie, 2014)\\
 +Vous montrerez que les inégalités économiques et sociales sont cumulatives. (Pondichéry, 2015)\\
 +Vous montrerez que l'analyse de la structure sociale en termes de classes sociales peut être remise en cause. (Polynésie, 2015)\\
 +Vous montrerez que les inégalités économiques et les inégalités sociales peuvent être cumulatives. (France métropolitaine, 2015, rattrapage)\\
 +Vous montrerez que les inégalités peuvent rendre pertinente l'analyse de la structure sociale en termes de classes. (Polynésie, 2017)\\
 +Vous montrerez que divers critères sont nécessaires pour différencier les groupes sociaux. (Antilles-Guyane, 2017, rattrapage)\\
 +Vous montrerez que les analyses en termes de classes sociales peuvent rendre compte de la structure sociale. (Antilles-Guyane, 2018)\\
 +Vous montrerez que les inégalités économiques et sociales ont un caractère cumulatif. (France métropolitaine, 2018)\\
 +Vous montrerez que les classes sociales sont un outil pertinent pour analyser la société française contemporaine. (Nouvelle-Calédonie, 2018)\\
 +**Dissertation :**\\
 +Comment rendre compte aujourd'hui de la structure sociale en France ? (Antilles-Guyane, 2013)\\
 +Pourquoi les frontières entre les classes sociales ont-elles tendance à se brouiller ? (France métropolitaine, 2013, rattrapage)\\
 +Dans quelle mesure les classes sociales existent-elles aujourd'hui en France ? (Pondichéry, 2014)\\
 +Les classes sociales permettent-elles de rendre compte de la structure sociale actuelle en France ? (Amérique du Nord, 2015)\\
 +L'analyse en termes de classes sociales est-elle pertinente pour rendre compte de la structure sociale ? (Autres centres étrangers, 2015)\\
 +Comment les inégalités peuvent-elles se cumuler ? (Amérique du Sud, 2016)\\
 +Les analyses en termes de classes sociales peuvent-elles rendre compte à elles seules de la structure sociale actuelle ? (Amérique du Sud, 2018)
 +
 +Après avoir présenté le processus de moyennisation de la société française, vous en montrerez les limites. (France métropolitaine, 2007)\\
 +Après avoir présenté l'évolution des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) en France depuis 1982, vous mettrez en évidence les facteurs explicatifs de cette évolution. (Nouvelle-Calédonie, 2006)\\
 +Après avoir montré que la redistribution permet de réduire certaines inégalités, vous en analyserez les risques. (Polynésie, 2004)\\
 +Après avoir montré que les clivages entre les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) se sont atténués depuis les années 1950 en France, vous exposerez les limites de ce processus de rapprochement. (Pondichéry, 2008)\\
 +Après avoir rappelé l’intérêt des Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS) pour rendre compte des inégalités économiques et sociales, vous montrerez les limites de cet instrument pour l’étude des inégalités. (France métropolitaine, 2009)
 +
 +===== Introduction =====
 +
 +Nous allons ici nous intéresser à l’étude des éléments permettant d’expliquer la structuration de notre société, ainsi que les évolutions qui ont conduits à des changements sociaux, plus ou moins importants, ayant pu l’affecter. Comme nous l’avons vu au cours du chapitre 1 (sources et limites de la croissance), les évolutions économiques peuvent peuvent avoir un impact important en matière d’inégalités :\\
 +- L’évolution du partage de la valeur ajoutée montre un conflit récurrent entre les catégories dépendants de la rémunération du travail et celles qui détiennent une part essentielle du capital. Par exemple, les exigences des actionnaires peuvent se traduire par des fermetures d’usines, voire leur délocalisation, entrainant des mouvements de protestation des individus affectés (par exemple, cas de l’entreprise Goodyear, productrice de pneus, condamnée le 28 mai 2020 par le conseil des prud’hommes d’Amiens pour le licenciement abusif de 832 salariés, parmi les 1 143 salariés licenciés lors de la fermeture de son usine d’Amiens-Nord en janvier 2014).\\
 +- L’effritement de la société salariale, avec la tertiarisation, la montée des qualifications et une segmentation croissante du marché du travail (voir les cours sur « Quelles mutations du travail et de l’emploi ? » et « Comment lutter contre le chômage ? »), s’est traduit par le creusement des inégalités (notamment de revenus, mais au-delà l’ensemble des inégalités économiques, inégalités de genre, inégalités culturelles...) au sein de la population active occupée entre les « insiders » (« stables ») et les « outsiders (« précaires »), les bénéficiaires d’emplois très qualifiés cohabitants avec ceux ne disposant que d’emplois peu qualifiés.
 +
 +**Objectifs du chapitre :**\\
 +Ce qui va donc maintenant nous intéresser c’est à la fois l’étude :
 +  * des facteurs à l’origine de la structure sociale,
 +  * l’étude des évolutions de cette structure sociale, notamment au prisme des transformations de structure socioprofessionnelle,
 +  * des théories sociologiques permettant d’appréhender la structure sociale, pour essayer d’en saisir les mécanismes, mais aussi les limites et les débats qu’elles suscitent.
 +
 +===== I. Les déterminants de la structure sociale =====
 +
 +**Programme officiel :**
 +<WRAP box>
 +« Savoir identifier les multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social (catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle de vie, sexe, lieu de résidence). »
 +</WRAP>
 +
 +== Pour se préparer : Document. Cinq étages du monde parisien ==
 +
 +{{:ses:immeubleparisbertall.jpeg?500|}}
 +
 +''Source : Charles-Albert Bertall, « Paris, le 1er Janvier 1845. Cinq étages du monde parisien », illustration publiée dans //Le Diable à Paris//, volume 2, Hetzel, 1846, p. 27. Disponible en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55780382/f125.item.zoom''
 +
 +Le document précédent peut être vu comme une métaphore simplifiée de la stratification sociale de la société française du 19ème siècle, chaque étage représentant une strate différente de la société : aux membres de la bourgeoisie les plus favorisés reviennent les logements spacieux et facilement accessibles du 1ère étage (ils n'y a alors pas encore d'ascenseurs) quand les membres de la bourgeoisie moyenne occupent ceux du 2ème et ceux de la classe plus populaire, parfois en voie de paupérisation, ceux du 3ème. Les occupants du dernier étage, sont quant à eux déjà à la marge de la société. Enfin, ceux du rez de chaussée sont souvent constitués de domestiques et de concierges.
 +
 +Dans le programme de 1ES, il été vu que les **groupes sociaux** étaient des ensembles d'individus distingués à la fois à partir de caractéristiques objectives (genres, âges , revenus, pratiques culturelles...), mais aussi subjectives (partages de valeurs/normes, sentiment d'appartenance...).\\
 +D'une certaine façon, lorsque l'on analyse la structure sociale, il est possible de considérer que les classes sociales – ou les strates sociales – correspondent à des formes spécifiques de groupes sociaux.\\
 +Dans tous les cas, cette analyse passe par la mise en lumière des causes de cette différenciation et de sa dynamique. En effet, toute société repose sur un système de **stratification sociale** (aucune société n'est parfaitement homogène), c'est-à-dire une division de la société en groupes sociaux (de droit ou de fait) fondée sur des inégalités de richesses, de pouvoir, de savoir, de prestige, etc.\\
 +Comme nous avons pu le voir dans la partie précédente, les critères de différenciation de ces groupes sont variés (sexe, âge, culture, profession, patrimoine, lieu de résidence...). Ainsi, on distingue dans la société des groupes d'individus qui se ressemblent parce que leur niveau de vie, leurs activités économiques, leurs comportements, leurs valeurs/normes sont très proches.\\
 +Par exemple, la division en classes sociales est un système de stratification, comme les sociétés d’ordres sous l’Ancien Régime ou le système de castes en Inde. Ces systèmes varient donc dans le temps et dans l'espace.
 +
 +La stratification sociale se traduit par une hiérarchisation des positions et des relations.\\
 +Une **hiérarchie sociale** correspond au fait que la société soit divisée en plusieurs groupes sociaux qui regroupent des individus qui ont des points communs et que ces groupes aient des avantages et des désavantages distincts.\\
 +Par exemple, la nomenclature des PCS présente une hiérarchie sociale (les PCS renvoyant à des statuts, des salaires différents, etc.) qui se base sur les différences de profession bien que certaines PCS ne soient pas réellement hiérarchisées (comme pour les PCS des ouvriers/employés).
 +
 +C'est à partir de ce constant que les sociologues se sont interrogés sur le problème de la structuration sociale, c’est-à-dire quels sont les grands groupes sociaux, quelle place ils occupent dans la hiérarchie, comment sont-ils construits ?
 +
 +Commençons par mettre en lumière le fait que la stratification sociale n'est ni l'apanage de notre société ni celui de notre époque. La stratification est en effet un phénomène social universel. Dans toutes les sociétés, les individus se répartissent dans différents groupes et occupent des positions sociales hiérarchisées.\\
 +Pour appuyer cette idée, il est possible de porter le regard vers une hiérarchie sociale millénaire, à savoir la société de **castes** qui prévaut en Inde, abolie officiellement, mais qui marque encore aujourd’hui les mentalités et les comportements ; l’appartenance à une caste déterminant aussi bien les conditions de travail que le degré de pureté religieuse :
 +
 +== Les castes ==
 +
 +**Remarque :** Le terme de caste vient du portugais et désigne « ce qui est non mélangé ».
 +
 +La société indienne est ainsi divisée en 4 + 1 castes, qui sont :\\
 +1. Les brâhmanes (se rapprochent du clergé en ce qu'ils ont un lien au sacré), prêtres, enseignants ;\\
 +2. Les kshatriya ou râjanya (se rapprochent de la noblesse en ce qu'ils détiennent le pouvoir politique), roi, princes, administrateurs, guerriers ;\\
 +3. Les vaishya ou ârya (clan), artisans, commerçants, entrepreneurs, agriculteurs ;\\
 +4. Les shudra ou sudra, serviteurs.\\
 ++ Les dalit, intouchables.
 +
 +<note>Même si l'intouchabilité est abolie en 1947, date de l'indépendance indienne vis-à-vis de l'Angleterre (les citoyens deviennent égaux en droit), puis la constitution indienne de 1950 abolit le système de castes officiellement (L’article 15 interdit toute discrimination basée sur la caste, le sexe, le lieu de naissance ou la religion ; L’article 16 abolit l’intouchabilité), l'esprit des castes exerce encore une puissante influence sur les mentalités.</note>
 +
 +Plus proche de nous, un autre exemple est celui des **ordres** (clergé, noblesse et tiers état), qui a prévalu en France, système fondé sur l’honneur dans les sociétés d’Ancien Régime :
 +
 +== Les ordres ==
 +
 +L'Ancien Régime (XVIIIe siècle, jusqu'à Louis XVI) est fondé sur 3 grands ordres :
 +
 +1. Le clergé,\\
 +2. La noblesse,\\
 +3. Le tiers-état.
 +
 +Castes et ordres ont des traits en commun :
 +
 +  * L'appartenance à une caste ou un ordre se transmet de façon héréditaire. C'est donc un statut assigné à vie.
 +  * Les castes sont des groupes sociaux endogames (on ne peut se marier qu'entre membres d'une même caste), de même que les ordres (à l'exclusion du clergé).
 +  * Les castes comme les ordres sont des groupes strictement hiérarchisés et fermés, imposant à leurs membres les manières de penser, de se comporter, des normes, des croyances et des interdits spécifiques.
 +  * L’appartenance de caste ou d’ordre commande des fonctions définies et des droits différents (privilèges ou obligations).
 +  * Castes et ordres sont des systèmes institutionnalisés, ils ont donc une existence officielle (réglementation religieuse ou définition juridique).
 +  * Pour les castes comme pour les ordres, la religion légitime cette division, considérée comme le réel reflet de l'ordre divin.
 +  * Les différents ordres ou castes sont associés à un prestige social plus ou moins important
 +
 +À l'inverse de ces formes de stratification institutionnalisées que sont les castes et les ordres (même si elles conservent parfois une certaine actualité), se développent, dans les sociétés modernes des formes de hiérarchisation moins formelles -- et donc plus difficiles à saisir -- que sont les **classes sociales** :
 +
 +Enfin, on trouve l'exemple des classes sociales, que nous approfondirons plus loin. Si les frontières entre classes sociales restent plus floues, vous avez déjà vu en première que l'on distingue généralement :
 +
 +1. La bourgeoisie,\\
 +2. Les classes moyennes,\\
 +3. Les classes populaires.
 +
 +
 +==== 1. Les inégalités : une réalité complexe ====
 +
 +Dans une société qui se veut fondée sur un principe d'égalité, sommes-nous pour autant tous semblables ?
 +
 +=== 1.1. Qu'est-ce qu'une inégalité ?  === 
 +
 +== Pour se préparer : Document. Un peu de vocabulaire : différences, inégalités, hiérarchie sociale ==
 +
 +<WRAP box>
 +Si chacun était identique aux autres, il ne pourrait exister d’inégalité. Inversement, les différences entre individus (concernant leur sexe, leur âge, leur région, etc.) ne sont pas nécessairement des inégalités. Pour qu’il y ait des inégalités, il faut qu’il existe des ressources socialement prisées et caractérisées par leur rareté (naturelle ou non), inégalement réparties entre les individus, permettant ainsi de repérer une échelle hiérarchique.\\
 +À l’inverse il pourrait exister des formes de différenciation sans hiérarchisation, comme ce pourrait être le cas a priori des différences sociales et culturelles liées à l’appartenance ethnique, religieuse, d’âge ou de genre (femmes et hommes). Évidemment, a posteriori, les situations sont bien plus complexes : certaines de ces différences sont en effet détournées le long de processus sociaux pour imposer des hiérarchies entre de tels groupes, comme on le comprend assez vite lorsque l’on étudie les rapports de genre.
 +</WRAP>
 +''Source : Louis Chauvel, « La stratification sociale », //in// Robert Castel, Louis Chauvel, Dominique Merllié, Érik Neveu, Thomas Piketty, //Les mutations de la société française//, La découverte, 2007.''
 +
 +**Questions :**\\
 +1. Suffit-il qu'il y ait différence pour parler d'inégalité ?\\
 +2. Qu’est-ce qu’une hiérarchie sociale ?
 +
 +Comme vous l'avez déjà vu en Première ES, les individus se distinguent les uns des autres par différents éléments :
 +  * Il y a, d'abord, ce qui relève de leurs caractéristiques propres : âge, genre, taille, poids, situation conjugale et familiale, etc.
 +  * Il y a, ensuite, ce qui relève de leur système de valeurs/normes, acquis au cours du processus de socialisation : croyance religieuse, convictions politiques, etc.
 +  * Il y a, enfin, ce qui relève de leur situation dans la société : niveau d'éducation, revenus, patrimoine, etc.
 +Ces éléments ne sont pas nécessairement indépendants et peuvent faire l'objet de classements. Toutes les différences ne donnent pas lieu à des inégalités.
 +
 +Bref, on peut retenir que :
 +----
 +Une **différence** est un critère permettant de distinguer les individus. Ces différences peuvent être de nature variées : physiques, démographiques, géographiques, culturelles, sociales, économiques, politiques, etc.
 +----
 +
 +Une différence devient une inégalité lorsque posséder cette différence devient, selon les cas, source d'avantages ou de désavantages pour un individu (ou pour un groupe social).
 +
 +Autrement dit :
 +----
 +{{page>ses:lexique_de_ses#inegalite_definition_generale&noheader}}
 +----
 +
 +Dernier terme qu'il est intéressant de comprendre, celui de discrimination :\\
 +----
 +{{page>ses:lexique_de_ses#discrimination&noheader}}
 +----
 +
 +Schéma récapitulatif :
 +<WRAP box>
 +{{:ses:schemasdifferenceinegalitediscrimination.png?500|}}({{:ses:schemasdifferenceinegalitediscrimination.odp|Version odp}})
 +</WRAP>
 +
 +
 +=== 1.2. Les outils de mesure des inégalités  ===
 +
 +Il y a de nombreux instruments servant à mesurer les inégalités. Vous en avez déjà eu un aperçu en seconde et en première, notamment lorsque vous avez étudié les PCS.
 +
 +<note tip>**Rappel :** [[ses:pcs|]]</note>
 +
 +Pourquoi autant d'instruments ? Parce que les inégalités sont non seulement multiples mais qu'elles sont complexes à mesurer. Pour prendre un seul exemple (que vous verrez plus bas), les inégalités de salaires ne sont pas aussi faciles à mesurer qu'il paraît : pour isoler les différences de salaire liées aux inégalités, il faudrait pouvoir comparer des individus qui ont exactement la même formation, la même expérience, le même temps de travail, etc. Et encore, cela ne serait pas suffisant : par exemple, comment dire si une femme est moins payée parce qu'elle est moins productive, parce qu'elle n'effectue pas d'heures supplémentaires, ne participe pas souvent aux réunions ou voyages d'entreprise, consacre moins de temps à sa formation continue ou à l'entretien de son réseau, etc... et ses éléments ne sont-ils pas déjà liés à des inégalités...\\
 +Bref, c'est compliqué. Et cela d'autant plus que les inégalités sont un enjeu de société important, donc l'étude est donc soumise à des considérations idéologiques et politiques.
 +
 +Parmi les instruments de mesure des inégalités qu'il importe de maîtriser, nous allons examiner les quantiles, la courbe de Lorenz et l'indice de Gini ainsi que le strobiloïde.
 +
 +<note important>Pour le Bac, vous devez être capable de lire correctement et d'interpréter les données chiffrées concernant les inégalités. Ne négligez donc pas cet apprentissage.</note>
 +
 +Premier instrument de mesure que l'on utilise très souvent :
 +
 +== [1.2.1.] Les quantiles ==
 +
 +{{page>ses:outils_quantitatifs#les_quantiles&noheader}}
 +
 +Deuxième instrument de mesure fréquent :
 +
 +== [1.2.2.] La courbe de Lorenz et l'indice de Gini ==
 +
 +{{page>ses:outils_quantitatifs#courbe_de_lorenz_et_indice_de_gini&noheader}}
 +
 +Enfin, moins fréquent mais qu'il est utile de connaître :
 +
 +== [1.2.3.] Le strobiloïde ==
 +
 +{{page>ses:outils_quantitatifs:strobiloide&noheader}}
 +
 +=== 1.3. Panorama des inégalités : état des lieux et évolutions ===
 +
 +Nous avons vu plus haut la définition des inégalités. Ajoutons ici que l'on distingue deux grandes catégories/types d'inégalités : les inégalités **économiques** et les inégalités **sociales** (qu'on appelle parfois inégalités sociales et culturelles).\\
 +En ayant les principaux instruments de mesure en tête, nous pouvons essayer de faire un bilan de la situation des inégalités aujourd'hui.
 +
 +== [1.3.1.] Des inégalités multiples ==
 +
 +<note tip>**Remarque :** on parle d'inégalités multiples, multiformes, multicritères... en référence à la grande variété des inégalités qui existent et que l'on regroupe en deux catégories (économiques et sociales)</note>
 +
 +== => Les inégalités économiques : ==
 +
 +Les inégalités **économiques** renvoient à des inégalités en matière de revenus, niveau de vie et patrimoine. 
 +
 +== Document. Courbe de Lorenz de la France ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:courbelorenzavecvaleurs.png?500|}}
 +</WRAP>
 +
 +''Sources des données :''\\
 +''Enquête Revenus fiscaux et sociaux 2012 et séries longues, Insee Résultats n°164 Société, février 2015 – Distribution des revenus disponibles annuels des ménages - Masses détenues en 2012. Disponible en ligne : http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/irweb/irsocerfs2012/dd/excel/irsocerfs2012_DRD02.xls''\\
 +''Enquête Revenus fiscaux et sociaux 2013 – Masse des niveaux de vie détenue par les x % les plus riches en 2013. Disponible en ligne : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATnon04246.xls. Autre source de données possible : DNV02.xls. Disponible en ligne : http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/irweb/erfs2006/dd/excel/erfs2006_DNV02.xls''\\
 +''Enquête patrimoine 2010 – Masse du patrimoine détenue par les x % les plus riches en 2010. Disponible en ligne : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATnon04244.xls''
 +
 +Premier type d'inégalités économiques, les inégalités de **revenus** :
 +
 +**Rappel :**
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#revenus}}
 +{{:ses:revenusconsommationses.png?600|}}
 +
 +Les principaux revenus sont ceux du travail, il est donc intéressant de comparer les salaires selon les différentes catégories socioprofessionnelles.\\
 +
 +
 +== Document. Salaires mensuels moyens et répartition des effectifs en EQTP (équivalent temps plein) en euros et en % ==
 +
 +{{:ses:salairesparpcs.png?600|Salaires pas PCS}}
 +
 +''nd : non disponible.\\
 +1. Effectifs également en équivalent temps plein (EQTP).\\
 +2. Y compris chefs d'entreprise salariés.\\
 +Champ : France, salariés en équivalent temps plein du privé et des entreprises publiques, y compris les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation. Sont exclus les apprentis, les stagiaires, les salariés agricoles et les salariés des particuliers employeurs.\\
 +Source : Insee, DADS, fichier semi-définitif. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3135908''
 +
 +Il y a également les inégalités de **niveau de vie**, qui ont l'avantage de mettre en relation les revenus et les besoins de consommation des ménages selon leur taille :
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#niveau_de_vie}}
 +
 +== Document. Distribution et niveaux de vie moyens par décile en France en 2016 en euros 2016 constants ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:decilesniveaudevie.png?600|}}{{:ses:decilesniveaudevie.odp|version odp}}
 +</WRAP>
 +
 +''Note : ces deux indicateurs appartiennent à la liste des indicateurs d'inégalité préconisés par le groupe de travail "Niveaux de vie et inégalités sociales" du Cnis.\\
 +Lecture pour les niveaux de vie moyens : en 2016, les individus dont le niveau de vie est inférieur au 1er décile disposent d'un niveau de vie moyen de 8 380 euros.\\
 +Lecture pour la distribution par déciles : en 2016, les 10 % d’individus les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 11 040 euros.\\
 +Champ : France métropolitaine, individus vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.\\
 +Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2012 à 2016, //Niveau de vie moyen par décile en 2016// & //Distribution des niveaux de vie en 2016//. Disponibles en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2417897 & https://www.insee.fr/fr/statistiques/2416808''
 +
 +Il y a enfin les inégalités de **patrimoine** :
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#patrimoine}}
 +
 +<note tip>Quels liens y a-t-il entre revenu et patrimoine ?\\
 +Le revenu est donc un flux qui vient augmenter le stock que constitue le patrimoine  (rappelez-vous la "baignoire"...). Cependant, on peut aussi noter que le patrimoine génère des revenus.\\
 +**Remarque :** un patrimoine important n’est pas toujours synonyme de revenus importants (c'est le cas, par exemple, des agriculteurs exploitants dont l'exploitation peut représenter une valeur foncière importante tout en ayant des revenus relativement faibles).
 +</note>
 +== Document. Patrimoine moyen par décile en 2015 en France ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:patrimoinepardeciles2015.png?600|}}
 +</WRAP>
 +
 +http://www.insee.fr/fr/statistiques/2412847
 +
 +''Lecture : début 2015, les 10 % des ménages aux patrimoines les moins élevés détiennent un patrimoine brut moyen de 2 000 euros, et de 200 euros hors patrimoine restant.\\
 +Note : le patrimoine brut correspond au montant total des actifs détenus par un ménage incluant la résidence principale, les éventuelles résidences secondaires, l’immobilier de rapport - c’est-à-dire rapportant un revenu foncier -, les actifs financiers du ménage, et les actifs professionnels lorsque le ménage a une activité d’indépendant à titre principal ou secondaire. Il inclut également depuis 2010 le patrimoine "restant" : les biens durables (voiture, équipement de la maison, etc.), les bijoux, les œuvres d’art et autres objets de valeur. Des améliorations de l'enquête entraînent une rupture de série à partir de 2010 (suréchantillonnage des hauts patrimoines, collecte du patrimoine "restant").\\
 +Champ : France (hors Mayotte), ménages ordinaires.\\
 +Source : Insee, enquête Patrimoine. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2412847/reve-patrim-moy-decile.xls''
 +
 +
 +<note tip>Un chiffre pour illustrer les inégalités dans le monde :\\ « Les richesses sont plus concentrées que jamais : l’année dernière [en 2018], seulement 26 personnes possédaient autant que la moitié la moins bien lotie de la population mondiale (soit 3,8 milliards de personnes), contre 43 personnes l’année précédente [en 2017] ».\\ ''Source : Oxfam, « Services publics ou fortunes privées », janvier 2019. Disponible en ligne : https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2019/01/rapport-davos-2019-oxfam-services-publics-ou-fortunes-privees.pdf''</note>
 +
 +== => Les autres formes d’inégalités, les inégalités sociales (et culturelles) :==
 +
 +Les inégalités **sociales** (et culturelles) ne manquent pas. Elles renvoient notamment aux modes de vie, à l’éducation et à l’emploi, à la santé, au pouvoir politique, au genre, etc.
 +
 +On peut commencer pas regarder les inégalités devant l'**éducation** :
 +
 +== Document. Les inégalités d’accès aux diplômes entre enfants d’ouvriers et de cadres ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:inegalitesaccesdiplomepcs.png?600|}}
 +</WRAP>
 +
 +''1. Les proportions sont calculées en excluant les étudiants pour lesquels l’origine sociale n’est pas renseignée, soit 15 % d’entre eux en moyenne. Cette proportion est inférieure à 20 % sauf dans les écoles de commerce (36 %), les autres écoles et formations (33 %) et les écoles artistiques (47). 2. Y compris les formations d’ingénieurs en partenariat. 3. Données 2016 reconduites pour 2017 pour les formations paramédicales et sociales. 4. Comprend notamment les établissements privés d’enseignement universitaire, les écoles paramédicales et sociales, les ENS, les écoles juridiques et administratives, etc. En 2000, les étudiants des IUFM sont aussi comptabilisés dans cette catégorie, tandis que les étudiants des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) en 2017 sont inclus dans les effectifs universitaires.\\
 +Champ : France. Sources : Mesri-Sies, systèmes d’information SISE et Scolarite ; enquêtes menées par le Sies sur les établissements d’enseignement supérieur ; enquêtes spécifiques aux ministères en charge de l’agriculture, de la santé, des affaires sociales et de la culture in Insee Références, édition 2018 - Fiches – Population. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/3646124/FPORSOC18k6_F2.6.pdf''
 +
 +Il y a également les inégalités face à la **santé** :
 +
 +== Document. Espérance de vie à 35 ans par sexe pour les cadres et les ouvriers ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:esperancedevie35anscadresouvriers.png?500|}}
 +</WRAP>
 +
 +''Lecture : en 2009-2013, l'espérance de vie à 35 ans des femmes cadres est de 53,\\
 +Champ : France métropolitaine.\\
 +Source : Insee, Échantillon démographique permanent. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908110''
 +
 +Il y a bien sûr les inégalités de **genre** :
 +
 +== Document. Principaux temps sociaux au cours d'une journée moyenne selon l'activité de la femme en 2010 en heures et minutes ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:tempssociaux_2010.png?600|}}
 +</WRAP>
 +
 +''Lecture : en 2010, les personnes d'âge actif passent en moyenne 11 h 26 par jour à dormir, manger et se préparer.\\
 +Note : les durées relatives à 1999 ont été recalculées de façon à rendre possible la comparaison des deux enquêtes malgré des nomenclatures différentes.\\
 +Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 15 à 60 ans, hors étudiants et retraités.\\
 +Source : Insee, enquêtes Emploi du temps. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2417051''
 +
 +Il de nombreux autres exemples d'inégalités sociales, qu'elles concernent les pratiques culturelles, le confort de vie ou encore le monde politique, etc.
 +
 +Quelques exemples que vous pouvez consulter :
 +
 +== Inégalités dans les pratiques culturelles ==
 +
 +http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf
 +
 +http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.php
 +
 +== Document. Équipement des ménages en biens durables selon différentes caractéristiques de 2004 à 2018 ==
 +
 +https://www.insee.fr/fr/statistiques/2385827
 +
 +== Les inégalités chez les représentants politiques ==
 +
 +https://yam.dyndns-wiki.com/blog/document_theme_inegalites
 +
 +De l'analyse des différentes inégalités, il ressort que les inégalités prennent de nombreuses formes et ce d'autant plus qu'elles peuvent être croisées (on peut par exemple regarder les inégalités dans le monde politiques en fonction des catégories sociales mais aussi en fonction du genre, de l'origine géographique, etc.). Il importe désormais de montrer qu'elles sont également cumulatives :
 +
 +== [1.3.2.] Des inégalités cumulatives ==
 +
 +<WRAP box>
 +Ainsi, des situations défavorables [...], se traduisant par des travaux déqualifiés ou des emplois instables, s'accompagnent presque toujours de faibles rémunérations et d'un faible niveau de vie ; elles valent à ceux qui les exercent une morbidité(1) et une mortalité supérieures à la moyenne ; ceux-ci n'accèdent de surcroît que difficilement à de bonnes conditions de logement ; ils n'ont pratiquement aucune chance de bénéficier d'une promotion par le biais de la formation professionnelle continue ; et leurs loisirs se réduiront de même à peu de chose. Dans ces conditions, la scolarité de leurs enfants est hypothéquée(2) dès le départ ; ils se trouvent privés des conditions matérielles, relationnelles, même affectives qui seules permettent la construction d'un projet de vie ; et ils ont toute (mal)chance de se retrouver dans la même situation que celle de leurs parents. En un mot, le handicap appelle le handicap : celui qui subit les effets des inégalités sociales sous un angle déterminé risque fort de les subir sous d'autres angles. Au terme de cette accumulation de handicaps se profile l'éviction(3) des modes de vie considérés comme normaux dans notre société, qui marque le degré extrême de la pauvreté.
 +</WRAP>
 +
 +''1. morbidité : caractère de ce qui est relatif à la maladie.\\
 +2. hypothéquée : ici fragilisée.\\
 +3. éviction : mise à l'écart.\\
 +Source : Alain Bihr, Roland Pfefferkorn, //Le système des inégalités//, Collection Repères, La Découverte, 2008. //in// Sujet Bac SES, France métropolitaine, 2015, rattrapage)''
 +
 +Que permet de montrer ce document ?
 +
 +Les inégalités sont souvent cumulatives, on dit parfois que ces inégalités font système ou qu'elles relèvent d'un processus cumulatif. Elles peuvent en effet se cumuler entre elles mais aussi dans le temps.\\
 +Pour commencer, les différents types d'inégalités peuvent se cumuler :\\
 +- Ainsi, des inégalités économiques peuvent engendrer d'autres inégalités économiques. Il est par exemple facile de comprendre que des inégalités de revenus peuvent être à l'origine d'inégalités de patrimoine (ou du moins les renforcer). En effet, un individu au revenu élevé aura davantage de facilité à épargner tout en satisfaisant ses besoins, il pourra ainsi se constituer un patrimoine. Ce patrimoine acquis pourra à son tour générer des revenus supplémentaires créant un cumul dans l'autre sens.\\
 +- Il en va de même des inégalités sociales entre elles : par exemple, les inégalités dans les pratiques culturelles (lecture, fréquentation des musées, voyages...) contribuent à renforcer le capital culturel des individus. Or ce capital pourra être valorisé dans le cadre de l'institution scolaire, engendrant des inégalités de réussite à l'école. L'inverse est également vrai puisque ce sont souvent les plus diplômés qui ont les plus de pratiques culturelles.\\
 +- Surtout, les inégalités économiques peuvent engendrer des inégalités sociales et inversement : Par exemple, les inégalités de revenus donnent accès à une meilleure prise en charge médicale, à la fois en termes de traitements et de prévention. Elles engendrent alors des inégalités en termes d'espérance de vie, notamment d'espérance de vie en bonne santé.\\
 +Autre exemple, plus complexe, les inégalités de revenus engendrent des inégalités dans les conditions de logement (surface, nombre de pièces, localisation...). Ces dernières jouent à leur tour un rôle non négligeable dans la réussite scolaire des enfants (possibilité d'avoir un espace de travail au calme...), donc dans les inégalités à l'école. Ces inégalités à l'école peuvent jouer un rôle dans l'autre sens, puisque le niveau de diplôme ainsi acquis à un impact direct sur la rémunération, une fois les individus intégrés au marché du travail.
 +
 +À partir de là, il est facile de comprendre que les inégalités ont également tendance à se reproduire dans le temps : les parents favorisés peuvent transmettre un patrimoine à leurs enfants, ce qui leur donnera un avantage dès leur début de vie. De même, les enfants peuvent bénéficier du capital culturel de leur parents pour les aider à réussir scolairement. Il peuvent aussi se voir faciliter la recherche d'emploi s'ils bénéficient du réseau social de leurs parents...
 +
 +== [1.3.3.] Une évolution contrastée des inégalités ==
 +
 +Moyennisation ou polarisation de la société ? Lorsque l'on étudie l'évolution des inégalités sur longue période, la question se pose de savoir si l'on assiste à ce que le sociologue Henri Mendras a appelé la « moyennisation » de la société française ou -- et la question a retrouvé une actualité notamment ces dernières années avec la crise économique -- à une « polarisation » de celle-ci. 
 +
 +Le processus de « moyennisation » décrit par Henri Mendras dans //La Seconde Révolution Française// (1988) correspond, comme son nom l'indique, en la constitution d'une vaste classe moyenne, occupant près des trois quarts de la population, et qui résulte, durant les Trente Glorieuses, de l'éclatement des frontières entre les paysans, les ouvriers, les bourgeois et les classes moyennes (indépendants, petits fonctionnaires, professeurs, salariés du privé non ouvriers) telles qu'elles apparaissaient dans la première moitié du XXe siècle. S'il y a effectivement moyennisation, c'est donc que les inégalités ont tendance à s'amenuiser (on devient tous "moyens"). À l'inverse, parler de polarisation implique une augmentation des inégalités qui conduit à la séparation des individus en différents groupes sociaux, groupes ayant des positions et des intérêts distincts (les "pôles").
 +
 +<note important>Nous reviendrons plus tard sur la question des classes sociales et de leurs évolutions.</note>
 +
 +Cet éclatement des frontières entre les classes sociales est directement lié à la croissance économique soutenue qui caractérise la période des Trente Glorieuses. Elle est également liée à la transformation des valeurs et des normes sociales, en particulier la montée de l'individualisme. Elle est enfin liée [voir plus bas dans le chapitre] à une mobilité sociale plus forte qui nourrit les espoirs de la population d'une ascension sociale.
 +
 +L'effet de la croissance économique sur les inégalités économiques est bien résumé par la courbe de Kuznets.
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#courbe_de_kuznets}}
 +
 +http://piketty.pse.ens.fr/files/capital21c/pdf/supp/GS9.5.pdf
 +
 +== Document. La courbe de Kuznets appliquée à la France ==
 +
 +<WRAP box>
 +[…] Le premier enseignement de l'histoire comparative de l'inégalité […] est que la « courbe de Kuznets » n'existe pas : l'idée selon laquelle une tendance naturelle et irrépressible à la diminution des inégalités serait à l'oeuvre dans les phases avancées du développement économique ne résiste dans aucun pays à l'épreuve des faits. L'inégalité des patrimoines, et par conséquent l'inégalité des revenus du capital qui en sont issus, se caractériseraient plutôt par une tendance naturelle à l'élargissement, et seuls des chocs extérieurs ou des interventions étatiques, au premier rang desquels figure l'impôt progressif, semblent pouvoir permettre d'inverser radicalement ce mouvement naturel. Quant à l'inégalité des salaires, elle aurait plutôt tendance à se caractériser par une absence de tendance : les résultats obtenus pour la France, à savoir une très grande stabilité séculaire des inégalités salariales, ponctuée par de multiples fluctuations de court terme et de moyen terme, ont selon toute vraisemblance une portée beaucoup plus générale.
 +</WRAP>
 +
 +''Source : Thomas Piketty, //Les hauts revenus en France au XXe siècle//, Hachette Littératures, 2001, p. 810.''
 +
 +== Document. La courbe de Kuznets contestée ==
 +
 +<WRAP box>
 +[…] La « courbe de Kuznets », du nom de l'économiste américain Simon Kuznets qui proposa en 1955 cette théorie, permet de rendre compte de l'expérience française. En exploitant les statistiques issues des déclarations de revenus américaines des années 1913-1948, Kuznets fut amené à constater que la part des hauts revenus dans le revenu total s'était réduite de façon importante entre le début des années 1910 et la fin des années 1940, et c'est sur la base de cette observation qu'il formula l'idée de la « courbe de Kuznets ».\\
 +Selon cette théorie, les inégalités de revenus seraient partout appelées à suivre une « courbe en U inversé » au cours du processus d'industrialisation et de développement économique : à une phase de croissance des inégalités caractéristique des premières étapes de l'industrialisation, et qui aux États-Unis correspondrait au XIXe siècle, succéderait une phase de forte diminution des inégalités, qui aux États-Unis aurait commencé au début du XXe siècle. Les travaux de Kuznets eurent un retentissement considérable : il s'agissait du premier travail historique de grande envergure tentant de mesurer rigoureusement l'évolution des inégalités de revenus, et l'enjeu politique de ces découvertes, dans le contexte de la guerre froide, était évident.\\
 +La théorie de Kuznets a été fortement remise en cause depuis les années 1950, notamment du fait de la hausse tendancielle des inégalités de revenus observée aux États-Unis depuis les années 1970. Ce tournant des années 1980-1990 ne règle pas pour autant la question de la baisse des inégalités observée au cours de la première moitié du XXe siècle, et la « courbe de Kuznets » demeure dans les travaux historiques consacrés aux inégalités un point de référence incontournable. [...]
 +</WRAP>
 +
 +''Source : Thomas Piketty, //Les hauts revenus en France au XXe siècle//, Hachette Littératures, 2001, p. 24-25.''
 +
 +Question :\\
 +Que cherche à montrer Thomas Piketty dans les deux documents précédents ? Tirez-en un bilan de l'évolution des inégalités dans les pays développés.
 +
 +
 +==== II. L’analyse théorique de la structure sociale ====
 +
 +**Définition :**
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#classes_sociales&noheader}}
 +
 +=== 2.1. L'analyse traditionnelle des classes sociales ===
 +
 +Dans la tradition sociologique, deux principales conceptions des classes sociales s'opposent donc -- ou, selon le point de vue, se complètent -- : celle de Karl Marx et de Max Weber.
 +
 +== Document. Qu'est-ce qu'une classe sociale ? ==
 +<WRAP box>
 +Dans la définition des classes sociales, deux grands courants s'affrontent. La tradition marxiste y voit des collectifs définis par leur place dans le système économique. Elle oppose les capitalistes, propriétaires des moyens de production, aux prolétaires, qui n'ont que leur force de travail à vendre. Le conflit social central est lié à la répartition de la plus-value tirée de l'exploitation du travail humain, à l'origine de toute valeur. Pour Marx, les classes sociales ne sont pas seulement un outil de description sociologique, elles sont au coeur de son explication du mouvement de l'histoire. L'appartenance de classe façonne les valeurs et les pratiques des individus(1). A l'opposé, la tradition webérienne suppose que les classes sociales sont des groupes d'individus semblables, partageant une même dynamique (Max Weber parle de Lebenschancen ou « chances de vie »), sans qu'ils en soient forcément conscients. Pour lui, la classe sociale est constituée par des individus(2) rassemblés en fonction des critères que l'on juge les plus discriminants (le diplôme, le revenu, le patrimoine, etc.) ; c'est une construction sociale et non une donnée tangible.\\
 +Les marxistes attendent beaucoup des classes, alors que les webériens y voient un mode de découpage parmi d'autres. Les uns conçoivent difficilement des classes sans conscience de classe, des groupes visibles et en mesure de construire leur propre histoire collective(3). Les autres ne voient dans ces groupes qu'un empilement de strates. Par un curieux retournement, l'approche marxiste semble aujourd'hui trop exigeante : elle porte souvent à conclure qu'il n'existe plus de classes, faute de conflit majeur entre groupes sociaux. En revanche, si l'on suit Weber, la notion demeure valable dès lors que des groupes inégaux aux destins sociaux distincts sont repérés. Oui, les classes existent toujours, même si leur contenu social et symbolique est plus limité.\\
 +Entre Marx et Weber, on peut trouver un juste milieu, une définition qui repose sur des critères tangibles. On peut parler de classes sociales pour des catégories qui sont à la fois inégalement situées dans le système productif et marquées par une forte identité. Cette identité peut avoir trois facettes. L'identité temporelle : la permanence de la catégorie, une mobilité sociale réduite, de faibles liens avec les autres classes, notamment par le mariage (homogamie). L'identité culturelle : le partage de symboles communs, de modes de vie et de façons de faire, qui font qu'on se reconnaît au sein d'une même classe. Enfin, l'identité collective : une capacité à agir ensemble de façon conflictuelle, afin de faire reconnaître les intérêts de la classe. Cette définition se fonde sur l'existence d'inégalités, en particulier (mais pas seulement) par rapport à la propriété des moyens de production. Une situation inégalitaire n'est pas une condition suffisante, puisque, comme l'a indiqué Marx, la classe ne se réduit pas à la taille du porte-monnaie (même si elle y contribue), mais intègre des éléments subjectifs, culturels et collectifs, porteurs de conflits. Les inégalités dont il est question ne sont pas simplement monétaires : au-delà de la propriété des moyens de production, les qualifications reconnues et la maîtrise des processus de production sont tout aussi essentielles. Cela conduit à prendre en compte, comme le fait Bourdieu, des ressources multiples, qu'il s'agisse du capital économique (le revenu et le patrimoine), culturel (les diplômes notamment), social (la famille, les amis, les collègues) et symbolique (les valeurs).
 +</WRAP>
 +''(1) Cette tradition est parfois qualifiée de « holiste » (du grec holon = tout).\\
 +(2) Une démarche qualifiée d'individualiste et de nominaliste.\\
 +(3) On parle de classes « en soi » (en tant que telles) et « pour soi » (mobilisées pour défendre leurs intérêts).\\
 +Source : Louis Chauvel, //Alternatives économiques//, n°207, Octobre 2002.''
 +
 +Comme le montre bien Louis Chauvel, Marx et Weber adoptent des points de vue très différents. Nous verrons que leurs analyses s'opposent non seulement dans leurs conclusions mais également dans le type d'approches qu'elles adoptent.
 +
 +<note tip>Il est utile ici de se référer au cours de Philosophie pour mieux comprendre les différentes approches évoquées ci-dessous : individualisme/holisme ; réalisme/nominalisme. </note>
 +
 +== L'approche de Marx ==
 +
 +C'est souvent à Karl Marx (1818-1883) que l'on attribue la primeur de l'analyse en terme de classes sociales (même si le terme est déjà employé avant lui).\\
 +Son analyse peut être qualifiée de holiste et de réaliste :\\
 +Les analyses **holistes** (du grec //holos//, totalité) adoptent en effet une approche globale de la société, donc de la structure sociale. Selon ces analyses, la société n’est pas la simple agrégation des comportements individuels, elle a des caractéristiques qui s’imposent aux individus (c'est de là que découle l'idée de Durkheim selon laquelle il faut étudier les "faits sociaux comme des choses", choses qui sont extérieures aux individus).\\
 +Selon l'approche **réaliste**, les concepts théoriques élaborés par les scientifiques reflètent des réalités objectives, réalités que l’on peut constater et même souvent mesurer.\\
 +Ainsi, dans l’analyse de Marx, les classes sociales ont non seulement une existence indépendamment de l'analyse qui en est faite, mais elles ne se résument pas aux caractéristiques des individus qui les composent.
 +
 +{{page>ses:/karl_marx#Document. L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes...}}
 +
 +Comme le montre le texte précédent, pour le moins célèbre, de Karl Marx, c'est en étudiant le développement de l’industrie et du capitalisme dans la société européenne du XIXème siècle qu'il en vient à développer son analyse en terme de classes sociales.\\
 +Dans son analyse, les classes sociales résulte de **rapports sociaux de production** spécifiques à la société capitaliste, rapports caractérisés par la propriété privée des moyens de production et par la subordination du travail au capital.\\
 +À partir de là, Marx distingue deux classes sociales principales, la Bourgeoisie capitaliste et le Prolétariat :\\
 +- la **Bourgeoisie capitaliste** est regroupe les propriétaire des moyens de production. Elle est la classe dominante.\\
 +- les **Prolétaires** quant à eux, ne possédant que leur force de travail, sont amenés à la vendre aux capitalistes. Ils sont la classe dominée.\\
 +De l'antagonisme entre ces deux classes sociales, qui luttent pour l'appropriation des moyens de production, naissent pour Marx les conflits sociaux à l'origine du changement social.\\
 +En effet, les capitalistes sont à même de s'approprier la richesse créée par les prolétaires (la **plus-value**), ne laissant aux prolétaires que le revenu de subsistance nécessaire au renouvellement de leur force de travail. Les seconds sont donc exploités par les premiers.\\
 +Seule la **lutte des classes** est alors à même de renverser le rapport d'exploitation. Ce renversement n'est possible que si les prolétaires acquièrent une **conscience de classe**, autrement dit s'ils passent d'une classe "en soi" à une classe "pour soi" (voir plus haut).
 +
 +On comprend dès lors que la notion de classe sociale chez Marx est indissociable de celle de lutte des classes.
 +
 +<note tip>On retrouvera l'analyse de Marx dans la partie sur les conflits sociaux. </note>
 +
 +== L'approche de Weber ==
 +
 +L’analyse de Max Weber (1864–1920) se démarque de celle de Karl Marx sur plusieurs points.\\
 +D’abord, elle adopte une approche individualiste et nominaliste, s'opposant ainsi à celle de Marx :\\
 +Les analyses **individualistes** partent de l’étude des comportements individuels pour expliquer la structure sociale. Selon ces analyses, il importe de comprendre les choix des individus, choix qui sont à l’origine de leur position sociale. La structure sociale est alors le résultat de l’agrégation de ces choix au niveau de la société.\\
 +Selon l’approche **nominaliste** (par opposition au réalisme), les concepts théoriques n'ont pas de réalité, ce ne sont que des constructions intellectuelles permettant aux scientifiques d’appréhender et de comprendre le réel. Elles ont donc seulement une valeur descriptive.\\
 +**Remarque :** on retrouve une telle conception dans la construction des modèles de la théorie économique.
 +
 +Ensuite, Max Weber propose une analyse de la structure sociale **pluridimensionnelle** alors que celle de Karl Marx est essentiellement centrée sur la sphère économique. En effet, pour situer un individu dans la hiérarchie sociale, il est possible de se référer à trois dimensions/champs différents :\\
 +  * Le champ **économique** dans lequel existent des classes sociales : ici, la position sociale d'un individu, sa « **situation de classe** », est déterminée par ses « chances »  (le terme « chance » est entendu au sens de probabilité) en termes d'accession aux « biens », de « conditions de vie extérieure », de « destinée personnelle ». Autrement dit, cette position est déterminée par des éléments économiques -- objectifs -- tels que les revenus, le patrimoine, dont découlent la capacité à consommer et à se constituer un patrimoine, et donc les conditions de vie et la position sociale. L'ensemble des individus occupant la même position, ou des positions comparables appartiennent alors à la même **classe sociale**, c'est-à-dire à des groupes sociaux où les individus ont des chances d'accéder aux biens similaires. À l'​inverse de l'​analyse de Karl Marx, les individus appartenant à une classe n'ont pas nécessairement de conscience de leurs « intérêts de classe », ils ne correspondent donc pas à ce que Marx nomme la classe « pour soi ».\\
 +
 +{{page>ses:/max_weber#Document. Les classes}}
 +
 +  * Le champ **social** dans lequel existent des groupes de statut ou groupes statutaires : dans cet ordre, la position d'un individu, sa « condition »,  est déterminée par sa « considération sociale ». Celle-ci repose sur les éléments plus ou moins subjectifs constituant le « mode de vie » que sont le « type d'​instruction » et le « prestige ».\\
 +
 +{{page>ses:/max_weber#Document. Les groupes de statut}}
 +
 +  * Le champ **politique** dans lequel existent des partis : 
 +
 +{{page>ses:/max_weber#Document. Les partis}}
 +
 +La position d'un individu dans l'ordre économique n'est qu'un des éléments de la position sociale des individus. Autrement dit, elle ne se réduit pas à la « la situation de classe ».
 +
 +=== 2.2. Prolongements contemporains et pertinence de l'analyse des classes sociales ===
 +
 +== L'approche de Bourdieu ==
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#capital_vu_par_la_sociologie}}
 +
 +== Document. Une représentation de la structure sociale par Pierre Bourdieu ==
 +
 +{{:ses:graphpbourdieustructuresociale.png?500|}}
 +
 +== Document. Appartenance de classe et inégalités scolaires chez Pierre Bourdieu ==
 +
 +<WRAP box>
 +Pour les fils de paysans, d’ouvriers, d’employés ou de petits commerçants, l’acquisition de la culture scolaire est acculturation. [...] Le succès scolaire irait-il aussi largement aux étudiants originaires des classes moyennes qu’aux étudiants originaires des classes cultivées, les uns et les autres resteraient séparés par des différences subtiles dans la façon d’aborder la culture. Il n’est pas exclu que le professeur qui oppose l’élève « brillant » ou « doué » à l'élève « sérieux » ne juge, en nombre de cas, rien autre chose que le rapport à la culture auquel l’un et l’autre sont socialement promis par leur naissance. [...]\\
 +Or, la culture de l’élite est si proche de la culture de l’École que l’enfant originaire d’un milieu petit-bourgeois (et //a fortiori// paysan ou ouvrier) ne peut acquérir que laborieusement ce qui est donné au fils de la classe cultivée, le style, le goût, l’esprit, bref, ces savoir-faire et ce savoir-vivre qui sont naturels à une classe, parce qu’ils sont la culture de cette classe. [...]
 +</WRAP>
 +''Source : Pierre Bourdieu & Jean-Claude Passeron, //Les héritiers//, Éditions de Minuit, 1985 (1964 pour la 1ère édition), pp. 37-40.''
 +
 +**Question :**
 +En quoi le texte explique-t-il les inégalités de réussite scolaire ?
 +
 +== L'approche de Warner ==
 +
 +William Lloyd Warner (1898-1970), sociologue américain, apporte une contribution importante à l'analyse de la stratification sociale en conduisant, dans les années 1930, l'étude empirique approfondie d'une petite ville des États-Unis baptisée fictivement « Yankee City ». Il s'agit en réalité de la ville Newburyport, petite ville portuaire de 17 000 habitants située dans le Massachusetts.
 +
 += multiplicité des critères de différenciation sociale dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie). 
 +
 +===== II. Comment rendre compte de la mobilité sociale ? =====
 +
 +**Notions :** Mobilité intergénérationnelle/intragénérationnelle, mobilité observée, fluidité sociale, déclassement, capital culturel, paradoxe d'Anderson.
 +
 +**Acquis de première :** groupe d'appartenance, groupe de référence, socialisation anticipatrice, capital social.
 +
 +**Indications complémentaires :**\\
 +<WRAP box>
 +Après avoir distingué la mobilité sociale intergénérationnelle d'autres formes de mobilité (géographique, professionnelle), on se posera le problème de sa mesure à partir de l'étude des tables de mobilité sociale dont on soulignera à la fois l'intérêt et les limites. On distinguera la mobilité observée et la fluidité sociale et on mettra en évidence l'existence de flux de mobilité verticale (ascendante et descendante) et horizontale. On étudiera différents déterminants de la mobilité et de la reproduction sociale : l'évolution de la structure socioprofessionnelle, le rôle de l'école et de la famille.
 +</WRAP>
 +
 +**Quelques exemples de sujets du bac :**\\
 +**EC3 :**\\
 +Quels sont les effets de l'évolution de la structure des professions sur la mobilité sociale ?  (France métropolitaine, 2012)\\
 +Montrez les effets de l'évolution de la structure par catégories socioprofessionnelles sur la mobilité sociale.  (Autres centres étrangers, 2013)\\
 +Vous démontrerez que la famille peut constituer un frein à la mobilité sociale des individus. (France métropolitaine, 2014)\\
 +Vous montrerez que l'école ne parvient pas toujours à assurer une mobilité sociale. (Polynésie, 2014, rattrapage)\\
 +Vous montrerez que l'école rencontre des difficultés pour assurer la mobilité sociale. (Pondichéry, 2016)\\
 +
 +**Dissertation :**\\
 +L'école favorise-t-elle la mobilité sociale ? (Liban, 2013)\\
 +Quel rôle joue la famille dans la mobilité sociale ? (Polynésie, 2014)\\
 +Quels sont les déterminants de la mobilité sociale en France ? (Asie, 2015)\\
 +Quel rôle joue l'école dans la mobilité sociale ? (Amérique du Nord, 2016)\\
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#capital_vu_par_la_sociologie}}
 +
 +==== 1. La mesure de la mobilité sociale ====
 +
 +Pour mesurer la mobilité sociale, il est indispensable d'utiliser -- et donc de comprendre -- les tables de mobilités.
 +
 +== Pour commencer : Document. Les tables de mobilité, un indicateur imparfait. ==
 +
 +<WRAP box>
 +Les tableaux de mobilité sociale résultent du croisement de deux variables : la profession de l'enquêté et celle du père, la comparaison des professions permettant de déterminer le taux et le sens de la mobilité. Méthode […] fondée sur trois postulats : la profession est un indicateur adéquat de la position sociale, cette position sociale s'intègre dans une hiérarchie unique, cette hiérarchie sociale est stable dans le temps. Trois postulats qui ne correspondent que //grosso modo// à la réalité. Sans doute la position sociale est-elle essentiellement déterminée par la situation professionnelle mais elle peut, à professions identiques, varier en fonction du revenu, du niveau culturel, du patrimoine, de la naissance même (les titres nobiliaires n'ont pas par exemple perdu toute valeur sociale). La position sociale du père elle-même n'exprime qu'imparfaitement la situation sociale d'origine, d'autres variables devraient être prises en compte (situation de la mère, des grands-parents, lieu du domicile...) qui ne peuvent généralement pas l'être faute d'être connues.\\
 +L’unicité de la hiérarchie sociale est une autre simplification du réel : au sein des sociétés occidentales, les différentes échelles (du savoir, du prestige, de la richesse, du pouvoir...) ne correspondent qu'imparfaitement.[…] Enfin, la hiérarchie des positions sociales ne se perpétue pas identique à elle-même. L'échelle de prestige des professions pour être relativement stable dans le temps n'est pas immuable : l'instituteur de 1970 ne jouit pas de la même considération que celui de 1920 […]. D'autre part et surtout, la situation relative des métiers dans la hiérarchie des revenus s'est sensiblement modifiée […].
 +</WRAP>
 +
 +''Source : Philippe Bénéton, « Quelques considérations sur la mobilité sociale en France », //Revue française de sociologie//, octobre-décembre 1975, n°16-4. pp. 517-538. Disponible en ligne : www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1975_num_16_4_5831 (DOI : 10.2307/3321291)''
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 +**Voir exercices sur les tables de mobilité.**
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 +== Document. Table de mobilité sociale 2003 ==
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 +{{:ses:tablemobilitesociale2003.png?600|Table de mobilité sociale 2003}}
 +
 +''Source : Stéphanie Dupays, « En un quart de siècle, la mobilité sociale a peu évolué », //Données sociales : La société française//, Insee, édition 2006, p. 345.\\
 +Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1371953\\
 +https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1371953/donsoc06ym.pdf''
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 +== Document. Mobilité sociale récente et évolution ==
 +
 +a.
 +
 +''Source : Centre d'observation de la société, « Tel père, tel fils ? L’inégalité des chances reste élevée », 2017. Disponible en ligne : http://www.observationsociete.fr/categories-sociales/tel-pere-tel-fils-du-nouveau-en-matiere-de-mobilite-sociale.html''
 +
 +b.
 +http://ses.ens-lyon.fr/ressources/stats-a-la-une/la-mobilite-intergenerationnelle-des-actifs-au-debut-des-annees-2010
 +
 +== Document. Mobilité sociale observée par rapport au père en 2014-2015 ==
 +
 +{{:ses:mobilitesocialeparrapportaupere_2017.png?400|}}{{:ses:mobilitesocialeparrapportaupere_2017.ods|version ods}}
 +
 +''Source : Tiaray Razafindranovona, « Malgré la progression de l’emploi qualifié, un quart des personnes se sentent socialement déclassées par rapport à leur père », //Insee Première//, n°1659, 12/07/2017. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2897850''
 +
 +Pour mesurer ces différentes mobilités, l'Insee les définit comme suit :
 +
 +{{:ses:schemamobilitesinsee.png?400|}}{{:ses:schemamobilitesinsee.odp|version odp}}
 +
 +== Document. La mobilité sociale observée et ressentie en France ==
 +
 +a. Mobilité sociale ressentie par rapport au père
 +
 +{{:ses:mobilitesocialeressentieparrapportaupere_2017_2.png?500|}}{{:ses:mobilitesocialeressentieparrapportaupere_2017.ods|version ods}}
 +
 +''Source : Tiaray Razafindranovona, « Malgré la progression de l’emploi qualifié, un quart des personnes se sentent socialement déclassées par rapport à leur père », //Insee Première//, n°1659, 12/07/2017. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2897850''
 +
 +b. Mobilité sociale et sentiment de déclassement par rapport au père
 +
 +{{:ses:mobilitesocialeressentieparrapportaupere_2017_1.png?500|}}{{:ses:mobilitesocialeressentieparrapportaupere_2017.ods|version ods}}
 +
 +''Source : Tiaray Razafindranovona, « Malgré la progression de l’emploi qualifié, un quart des personnes se sentent socialement déclassées par rapport à leur père », //Insee Première//, n°1659, 12/07/2017. Disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2897850''
 +
 +**Pour aller plus loin, voir aussi :**\\
 +http://ses.ens-lyon.fr/actualites/rapports-etudes-et-4-pages/mobilite-sociale-observee-et-ressentie-en-france-en-2014-15-insee-juillet-2017
 +
 +== Document. Comment évolue la mobilité sociale en France ? ==
 +
 +http://www.observationsociete.fr/categories-sociales/evolution-mobilite-sociale.html
 +
 +==== 2. Les déterminants de la mobilité sociale ====
 +
 +
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#paradoxe_d_anderson}}
 +===== III. Justice sociale et inégalités : comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ? =====
 +
 +Notions : Égalité, discrimination, assurance / assistance, services collectifs, fiscalité, prestations et cotisations sociales, redistribution, protection sociale.
 +
 +Acquis de première : État-providence, prélèvements obligatoires, revenus de transfert.
 +
 +Indications complémentaires :
 +
 +<WRAP box>
 +On s'interrogera sur les fondements des politiques de lutte contre les inégalités en les reliant à la notion de justice sociale ; on rappellera à ce propos que toute conception de la justice doit répondre à la question : « L'égalité de quoi ? » On distinguera égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances.
 +On analysera les principaux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale : fiscalité, redistribution et protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations. On montrera que l'action des pouvoirs publics s'exerce sous contrainte et qu'elle fait l'objet de débats quant à son efficacité : risques de désincitation et d'effets pervers.
 +</WRAP>
 +
 +**Quelques exemples de sujets du bac :**\\
 +**EC3 :**\\
 +Vous montrerez par quels moyens les pouvoirs publics mettent en oeuvre la redistribution. (Pondichéry, 2013)\\
 +Vous montrerez comment les pouvoirs publics peuvent réduire les inégalités économiques. (Polynésie, 2013, rattrapage)\\
 +Vous montrerez comment la redistribution réduit les inégalités. (Antilles-Guyane, 2015, rattrapage)\\
 +Vous montrerez que l'action des pouvoirs publics rencontre des difficultés pour contribuer à la justice sociale. (Nouvelle-Calédonie, 2015)\\
 +Vous montrerez comment les mesures de lutte contre les discriminations contribuent à la justice sociale. (Autres centres étrangers, 2016)\\
 +
 +**Dissertation :**\\
 +Comment les pouvoirs publics peuvent-ils favoriser l'égalité ? (Nouvelle-Calédonie, 2013)\\
 +La redistribution suffit-elle à assurer la justice sociale ? (France métropolitaine, 2014, rattrapage)\\
 +Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à l'égalité ? (Liban, 2015)\\
 +Dans quelle mesure l'action des pouvoirs publics est-elle efficace pour lutter contre les inégalités ? (France métropolitaine, 2015)\\
 +L'action des pouvoirs publics pour contribuer à la justice sociale est-elle efficace ? (Polynésie, 2015, rattrapage)\\
 +La protection sociale est-elle efficace pour réduire les inégalités ? (Asie, 2016)\\
 +
 +Nous avons vu dans les parties précédentes que si les sociétés démocratiques reposent sur un idéal égalitaire, de nombreuses inégalités persistent dans les sociétés modernes. Ce constat conduit non seulement à s'interroger sur les fondements de la justice sociale (pourquoi certaines inégalités sont-elles tolérées ? Quelles justifications à l'intervention publique ? Quelles objectifs de cette intervention ?) mais aussi les instruments utilisés pour l'atteindre (Quelles modalités/moyens de l'intervention publique ? Quels financements ?) et quelles limites (perte de légitimité ? problème de financement ? problème d'efficacité ?).
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#egalite}}
 +
 +== Document. La société française aujourd'hui, vous paraît-elle plutôt juste ou plutôt injuste ? ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:perceptionjustice.png?600|}}{{ :ses:perceptionjustice.ods|version ods}}
 +</WRAP>
 +
 +''Note : NSP signifie "Ne se prononce pas".''\\
 +''Source : Drees. Disponible en ligne : http://www.data.drees.sante.gouv.fr/ReportFolders/reportFolders.aspx''
 +
 +{{page>ses:lexique_de_ses#revenus_de_transferts}}
 +
 +== Document. Le barème de l'impôt sur les revenus 2020 ==
 +
 +{{:ses:baremeprogressifirpp2020.png?600|}}
 +
 +''Source : Bercy Infos, 30/12/2019. Disponible en ligne : https://www.economie.gouv.fr/particuliers/tranches-imposition-impot-revenu#''
 +
 +== Document. Part des hommes dans les assemblées locales et nationales et au sein des exécutifs,  avant et après les lois dites de parité ==
 +
 +{{:ses:participationdesfemmesalaviepolitique.png?600|}}
 +
 +''Source : Ministère de l’Intérieur – Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, octobre 2017 //in// HCE, //Rapport annuel sur l’état du sexisme en France en 2019//, 2 mars 2020. Disponible en ligne : http://haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_etat_des_lieux_du_sexisme_2019-2.pdf
 +
 +== Schéma récapitulatif ==
 +
 +<WRAP box>
 +{{:ses:schemapolitiquessociales.png?600|Schéma récapitulatif politiques sociales}}{{:ses:schemapolitiquessociales.odp|Version odp}}
 +</WRAP>
 +
 +<- //[[.:]]//
  
ses/tes/6.txt · Dernière modification: 2020/11/19 19:22 de yam