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Chapitre 1. Sources et limites de la croissance économique

III. Économie du développement durable : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l'environnement ?

Que dit le programme officiel de TES ?
Notions : Capital naturel, physique, humain, institutionnel, biens communs, soutenabilité, réglementation, taxation, marché de quotas d'émission.
Acquis de première : externalités, droits de propriété, offre et demande, défaillances du marché.
Indications complémentaires :

“On expliquera pourquoi l'analyse économique du développement durable, qui se fonde sur la préservation des possibilités de développement pour les générations futures, s'intéresse au niveau et à l'évolution des stocks de chaque type de capital (accumulation et destruction) ainsi qu'à la question décisive du degré de substitution entre ces différents capitaux. On évoquera, à l'aide d'exemples, les limites écologiques auxquelles se heurte la croissance économique (épuisement des ressources énergétiques et des réserves halieutiques, déforestation, augmentation de la concentration des gaz à effet de serre, etc.).
L'exemple de la politique climatique permettra d'analyser les instruments dont disposent les pouvoirs publics pour mener des politiques environnementales. En lien avec le programme de première sur les marchés et leurs défaillances, on montrera la complémentarité des trois types d'instruments que sont la réglementation, la taxation, les marchés de quotas d'émission.”

Quelques exemples de sujets du bac :
Dissertation :
Dans quelle mesure la croissance économique peut-elle être soutenable ? (Autres centres étrangers, 2013)
La croissance économique s'oppose-t-elle à la préservation de l'environnement ? (Pondichéry, 2015)

Anciens sujets du bac :
Peut-on concilier croissance économique et développement durable ? (Polynésie, 2006)
Une croissance élevée est-elle compatible avec un développement durable ? (Pondichéry, 2007)
La croissance est-elle compatible avec le développement durable ? (Autres centres étrangers, 2007)

Introduction

Nous avons vu précédemment que la croissance économique pouvait générer des effets pervers, qu'ils soient produits volontairement ou non. Ceux-ci ont un impact négatif en termes environnementaux et sociaux.
Cela a conduit à s'interroger sur la nécessité de poursuivre une course à la croissance qui semble s'être emballée. De cette remise en cause progressive naît la réflexion autour du développement durable.

Comment définir celui-ci ?

Développement durable

Le Rapport Bruntland définit le développement durable (ou soutenable) ainsi :

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Source : Gro Harlem Brundtland, « Vers un développement durable », Notre Avenir à Tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU dit Rapport Brundtland, chapitre 2, Avril 1987.

 

Ce ne sont donc pas seulement les besoins des générations actuelles mais aussi futures qui vont déterminer le choix de société.

Pour permettre un développement durable, certaines conditions doivent être remplies :

Document. Vers un développement durable ?

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

  • le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et
  • l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir […]

Le développement implique une transformation progressive de l’économie et de la société. Cette transformation, au sens le plus concret du terme, peut, théoriquement, intervenir même dans un cadre sociopolitique rigide. Cela dit, il ne peut être assuré si on ne tient pas compte, dans les politiques de développement, de considérations telles que l’accès aux ressources ou la distribution des coûts et avantages. Même au sens le plus étroit du terme, le développement durable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations, souci qui doit s’étendre, en toute logique, à l’intérieur d’une même génération. […]

Au sens le plus large, le développement durable vise à favoriser un état d’harmonie entre les êtres humains et entre l’homme et la nature. Dans le contexte spécifique des crises du développement et de l’environnement des années 80, que les organismes politiques et économiques nationaux et internationaux n’ont pas résolues — et ne sont peut-être pas en mesure de résoudre — la poursuite du développement durable exige les éléments suivants :

  • un système politique qui assure la participation effective des citoyens à la prise de décisions,
  • un système économique capable de dégager des excédents et de créer des compétences techniques sur une base soutenue et autonome,
  • un système social capable de trouver des solutions aux tensions nées d’un développement déséquilibré,
  • un système de production qui respecte l’obligation de préserver la base écologique en vue du développement,
  • un système technologique toujours à l’affût de solutions nouvelles,
  • un système international qui favorise des solutions durables en ce qui concerne les échanges et le financement, et
  • un système administratif souple capable de s’autocorriger.

Ces conditions sont en fait les objectifs que devraient se fixer tous ceux qui entreprennent des activités, nationales ou internationales, dans le domaine du développement. Ce qui compte, c’est la sincérité avec laquelle ces objectifs sont recherchés et l’efficacité des actions correctrices. »

Source : Gro Harlem Brundtland 1), « Vers un développement durable », Notre Avenir à Tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU dit Rapport Brundtland, chapitre 2, Avril 1987.

Question :

1. À quelles conditions la croissance est-elle soutenable ? (EC1, France métropolitaine, 2015, rattrapage)

Le développement durable renvoie à l'idée de soutenabilité de la croissance. Une croissance est soutenable si elle respecte trois conditions :

  • elle doit permettre une croissance suffisante pour répondre aux besoins des populations. Cependant, celle-ci est contrôlée dans la mesure où sont pris en compte les besoins des générations futures (aspect économique) ;
  • elle se fait avec le souci de préserver l'environnement et les ressources naturelles (aspect environnemental) ;
  • elle se fait en veillant à une répartition des fruits de la croissance qui limite les inégalités et les déséquilibres de développement, en insistant particulièrement sur l'amélioration de la situation des plus démunis (aspect social).

Autrement dit, la soutenabilité ne se réduit pas à la prise en compte des conséquences négatives de la croissance sur l'environnement mais s'étend à la question sociale. Il implique une double solidarité : intragénérationnelle (à l’égard des plus démunis au sein d'une même génération) et intergénérationnelle (entre générations).

Il importe de remarquer ici que le développement durable n’exclut pas la croissance.
Le Rapport Brundtland affirme ainsi que : « le développement et la croissance sont compatibles, à condition que les contenus de celle-ci respectent les principes que sont la durabilité et la non exploitation d’autrui ».

1. L'analyse du développement durable

1.1. Petit état des lieux

1.1.1. Un bilan global alarmant

Nous avons vu, lorsque nous avons étudié le phénomène de la croissance, que l'on ne saurait s'arrêter à son aspect quantitatif uniquement. En effet, au delà de l'augmentation de la richesse économique se pose la question du développement des sociétés qui passe, entre autre, par l'amélioration du niveau de vie des populations et de leur bien-être (donc l'aspect qualitatif). Cette vision du développement économique peut être étendue à la question d'un développement durable, donc respectueux non seulement de l'environnement et des ressources naturelles mais intégrant également des préoccupations sociales, le tout sur le long terme.
Dans cette perspective, un premier bilan de la situation actuelle peut être fait.

Actualité à suivre : Les études dévoilées à l'occasion de la toute récente COP23 et les résultats des négociations menées dans le cadre de celle-ci prennent ici une acuité particulière…

Alors, quel bilan peut-on tirer ?

Pour permettre de mesurer les conséquences de l'activité humaine, un indicateur utile est celui de l'empreinte écologique :

Document. Comment est calculée l'empreinte écologique ?

L'empreinte écologique mesure les surfaces biologiquement productives de terre et d'eau nécessaires pour produire les ressources qu'un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés, compte tenu des technologies et de la gestion des ressources en vigueur. Cette surface est exprimée en hectares globaux, c'est-à-dire des hectares ayant une productivité égale à la productivité biologique mondiale moyenne. Les calculs d'empreinte utilisent les facteurs de rendement pour prendre en compte les différences de productivité biologique nationale (par exemple, des tonnes de blé par hectare britannique ou argentin) et des facteurs d'équivalence pour prendre en compte les différences de productivité mondiale selon le type de milieu (par exemple, la moyenne de productivité mondiale des forêts par rapport à la moyenne mondiale des terres cultivées). Les valeurs de l'empreinte et de la biocapacité sont calculées annuellement par le Global Footprint Network. […]

Source : WWF, Rapport Planète Vivante 2008, octobre 2008, p.42. Disponible en ligne : http://assets.panda.org/downloads/lpr_wwf_2008_french.pdf

En vérité, l'empreinte écologique est un indicateur double : d'un coté, on mesure l'empreinte en elle-même, c'est-à-dire les besoins d'un individu exprimés en hectares ; de l'autre côté, on mesure la biocapacité, c'est-à-dire les ressources disponibles pour répondre à ces besoins, elles aussi exprimées en hectares. Le chiffre qui est exploité est alors la différence entre cette empreinte (les besoins) et la biocapicité (les ressources disponibles). Si les besoins sont supérieurs aux ressources, il y a un déficit ; dans le cas inverse, il y a une réserve.

L'empreinte écologique peut être utilisée comme exemple d'indicateur permettant de pallier aux limites du PIB dans la mesure des effets de la croissance sur l'environnement.
Document. Un « poids » écologique inégal entre les pays : Pays créditeurs et débiteurs écologiques

Source : Global Footprint Network, National Footprint Accounts, Édition 2016. Version interactive disponible en ligne : https://www.footprintnetwork.org/ecological_footprint_nations/

De façon générale, il est aisé de constater les disparités mondiales en matière d'atteintes à l'environnement :

  • Les zones géographiques abritant la majorité de la population mondiale, présentent un déficit de ressources par rapport aux besoins.
  • Ces zones ne sont pas uniquement localisés dans les pays en développement mais couvrent au contraire, à des degrés divers, une grande part des pays développés.
Document. Évolution de la population, l'empreinte écologique et la biocapacité mondiales

Courbes d'évolution de la population, l'empreinte écologique et la biocapacité mondiales

Source : Global Footprint Network, National Footprint Accounts, Édition 2008. Disponible en ligne : https://www.footprintnetwork.org/download.php?id=509

En terme d'évolution :

  • La population mondiale n'a cessé d'augmenter alors que les ressources disponibles sont restées relativement stables (ce qui est cohérent avec la pensée de Malthus).
  • L'empreinte écologique augmente de façon importante, et ce à un rythme plus rapide que celui de la population, dépassant la biocapacité totale durant les années 1980 (ce qui est, là encore, cohérent avec la pensée de Malthus).
Document. Empreinte écologique et biocapacité de la France

Source : Global Footprint Network. Disponible en ligne : https://www.footprintnetwork.org/fr/index.php/GFN/page/trends/france/

Note 1 : per person ou per capita signifie « par tête »/« par habitant ».
Note 2 : La qualité des données est mesurée sur une échelle de 1 à 6, 6 étant la meilleure qualité et 1 la plus faible.

  • Concernant la France, l'écart entre l'empreinte et la biocapacité semble se stabiliser autour d'un déficit de 2 hectares globaux par habitant. En 2013, la biocapacité de la France est de 2.9 hectares globaux par habitant et l'empreinte écologique de 5,1 hectares globaux par habitant, ce qui entraine un déficit de 2,2 hectares par habitant.

Ainsi, de façon plus générale, lorsqu'il est question de développement durable, le constat redonne une relative validité aux thèses malthusiennes.

Thomas Robert Malthus (1766-1834), économiste britannique de l'école classique, dans son Essai sur le principe des populations (1798) énonce sa « Loi de la population » selon laquelle la population croît à un rythme géométrique alors que les ressources disponibles pour répondre aux besoins de cette population (biens alimentaires notamment) croissent à un rythme arithmétique. Autrement dit, l'augmentation de la population, parce qu'elle est plus rapide que celle des ressources, conduit inexorablement à une pénurie durable des ressources et au développement de la misère. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est un fervent partisan de l'abolition de la « Loi sur les pauvres » (loi britannique d'assistance aux plus démunis) dans la mesure où elle ne fait, selon lui, qu'aggraver la situation (elle encourage, selon lui, la croissance démographique et exerce une pression d'autant plus forte sur les prix des biens de subsistance, ce qui aggrave la pauvreté). La seule véritable solution, de son point de vue, réside dans une diminution de la population.

De fait, la croissance de la population mondiale a rendu plus visibles les effets négatifs de la croissance sur le niveau des ressources naturelles.

Voir Document 1. Dossier documentaire développement durable.

1.1.2. Des ressources naturelles menacées

Pour établir un bilan correct de la question environnementale, il importe également de distinguer ressources renouvelables et non renouvelables :

  • Les ressources renouvelables, comme leur nom l'indique, sont reproductibles. Par conséquent, la consommation de ces ressources n'implique pas nécessairement leur disparition définitive. Une limite existe néanmoins à cette affirmation dans la mesure où, concernant les ressources naturelles, il existe souvent un seuil en-deçà duquel les ressources ne peuvent se régénérer.
  • Les ressources non renouvelables, à l'inverse, se caractérisent par leur nature non reproductible. De ce fait, leur quantité est limitée et la consommation de ces ressources entraine leur épuisement.

On comprend, dès lors, que l'un des principaux problèmes posé par le mode de croissance actuel est l'épuisement des ressources non renouvelables. Par exemple, les ressources d'énergie fossiles (pétrole et gaz notamment) posent aujourd'hui un problème crucial quant à leur échéance prochaine : les réserves de pétrole sont en effet estimées à environ 1/2 siècle (45 ans) au rythme de consommation actuelle, celles de gaz à 65 ans et celles de charbon à un peu plus de 200 ans. Cet exemple peut être, en particulier, étendu à l'ensemble des matières premières nécessaires à la production humaine.

Les ressources naturelles renouvelables ne sont par pour autant exemptes de risques. On constate notamment l'aggravation des menaces pesant sur la biodiversité. Celle-ci peut se définir à la fois en terme de variété et d'importance des espèces et des écosystèmes. Ainsi, on assiste à une réduction de la biodiversité concernant les ressources halieutiques, cynégétiques et végétales.
Cette réduction de la biodiversité s'explique, d'abord, par la sur-exploitation des ressources qui peuvent conduire à la disparition de certaines espèces. Elle s'explique, ensuite, par la prolifération d'espèces invasives et nuisibles qui menacent les autres. Elle s'explique, enfin, par les menaces qui pèsent sur l'habitat naturel des différentes espèces.

Voir Document 6 & 7. Dossier documentaire développement durable.

1.1.3. La dégradation de l'environnement

À ce problème de l'épuisement des ressources naturelles s'ajoute celui de la dégradation de l'environnement (qui n'est d'ailleurs pas sans lien, comme dans le cas de l'empoisonnement des ressources ou de la propagation de maladies). En effet, en produisant, les agents économiques sont à l'origine d'externalités négatives et, en particulier, d'émissions polluantes et de rejets de déchets en quantité de plus en plus importante.

Rappel :


Externalités

(Programme 2nde 2010, Notions (effets externes) ; Programme 1ES 2010, Notions ; Programme TES 2011, Acquis de première)

Les externalités ou effets externes sont les conséquences d’une action individuelle sur un autre acteur, qui ne sont pas prises en compte par le marché ou le système de prix. Il est usuel de dire qu'elles sont le « résultat non voulu d'une action voulue ».

Elles peuvent être positives (exemples : l'implantation de ruches à proximité d'un verger, la vaccination, la recherche) ou négatives (exemples : la pollution, la dégradation de ressources naturelles, le bruit).

Leur existence est donc à l'origine d'une défaillance du marché et justifie l’intervention publique, permettant d’ « internaliser » les externalités (c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient prises en compte par les agents économiques dans leurs calculs coût/avantage).

Exemples : instauration par l'État d’une taxe sur les produits polluants (souvent nommée taxe « Pigou »), subventions à la recherche, vaccination gratuite et obligatoire, etc.

 

Or, ces effets négatifs sont d'autant plus problématiques à résoudre qu'ils sont difficilement mesurables, que l'attribution des responsabilités quant à leur origine est souvent impossible et qu'il est difficile d'en traiter les conséquences. C'est tout particulièrement vrai s'agissant du changement climatique.

Voir Document 3 & 4. Dossier documentaire développement durable.

Au final, force est de constater que la situation environnementale est devenue préoccupante.

1.2. L'analyse du développement durable repose sur la prise en compte de différents capitaux

Pour analyser la question du développement durable, les économistes s'appuient sur la prise en compte des quatre types de capitaux suivants :

Capital humain

(Programme 2nde 2010, Notions ; Programme TES 2011, Notions)

La notion de capital humain a été rendue célèbre par Gary Stanley Becker (microéconomiste, Prix Nobel d'économie 1992, 1930-2014).
Gary S. Becker définit le capital humain de la façon suivante :

« […] Schooling, a computer training course, expenditures on medical care, and lectures on the virtues of punctuality and honesty are capital too in the sense that they improve health, raise earnings, or add to a person’s appreciation of literature over much of his lifetime. Consequently, it is fully in keeping with the capital concept as traditionally defined to say that expenditures on education, training, medical care, etc., are investments in capital. However, these produce human, not physical or financial, capital because you cannot separate a person from his knowledge, skills, health, or values the way it is possible to move financial and physical assets while the owner stay put. […] »

Source : Gary S. Becker, Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education, University of Chicago Press, 3ème édition, 1993 (édition originale : 1964), pp. 15-16.

Le capital humain désigne ainsi l’ensemble des connaissances, des qualifications et des aptitudes acquises par les individus (il est donc un résultat de la production).
Il détermine leur capacité à participer efficacement à l'activité productive (il est donc un facteur de production) et à en tirer un revenu.
Il peut être accumulé (augmenter) grâce à des investissements, c'est-à-dire au travers de l’éducation et l’apprentissage (formation initiale), puis par la formation continue et l’expérience professionnelle.
Enfin, il est sensible au phénomène d'obsolescence lorsqu'il n'est pas entretenu (voir l'idée d'employabilité).

 
Capital institutionnel

Le capital institutionnel correspond à l'ensemble formé par les institutions.

Voir institution.

 

Les institutions sont définies par Douglass Cecil North (1920-2015), économiste et historien américain :

« Institutions are the humanly devised constraints that structure human interaction. They are made up of formal constraints (rules, laws, constitutions), informal constraints (norms of behavior, conventions, and self imposed codes of conduct), and their enforcement characteristics. Together they define the incentive structure of societies and specifically economies. »

Source : Douglass C. North, Prize Lecture: Economic Performance through Time, publié dans Economic Performance Through Time, The American economic review, vol. 84, n°3, 1994, p. 360. Il s'agit de sa Conférence pour le Prix de la Banque de Suède en l'honneur d'Alfred Nobel2) en 1993. Disponible en ligne : http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/economic-sciences/laureates/1993/north-lecture.html

Les institutions sont les contraintes établies par les individus, contraintes qui structurent les interactions humaines. Elles se composent :

  • de contraintes formelles : règles, lois, constitutions,
  • de contraintes informelles : normes de comportement, conventions, codes de conduite personnels,
  • des modalités d'application de ces contraintes.
 
Capital naturel

(Programme TES 2011, Notions)

Le capital naturel est l'ensemble des ressources naturelles utilisables pour produire.
Exemples : ressources minérales, cynégétiques (faune sauvage), halieutiques (aquatiques), végétales…

Le capital naturel doit donc être considéré comme un stock. Ce stock est limité. Dans une perspective de développement durable, il importe donc de le préserver.
Il n'est pas nécessairement produit, mais les ressources qu'il fournit sont exploitables par l'homme. Ainsi, les forêts gérées par l'Office National des Forêts (ONF, organisme français), par exemple, sont le résultat d'une production. Par contre, les forêts primaires ne sont pas le résultat d'une production, mais elles peuvent être exploitées pour produire. De même, les poissons issus de la pisciculture (élevage des poissons) sont produits, à l'inverse des poissons « sauvages ».

Remarque : ce n'est pas parce qu'il est exploitable, qu'il est forcément exploité.

 
Capital physique

(Programme TES 2011, Notions)

Le capital physique est l'ensemble des biens produits utilisés comme facteurs de production. Il sert donc à produire et est lui-même un résultat de la production.
Exemples : bâtiments, machines…

Remarque : le capital physique semble se distinguer du capital technique et du capital fixe, tel que les définit la comptabilité nationale, en ce que ces derniers incluent des éléments immatériels et pas seulement matériels. Le capital physique serait alors matériel… sauf que certains auteurs adoptent une acception large du capital physique qui inclut, elle aussi, des éléments immatériels. Bref, il existe un flou sur cette question…

 

Ces quatre capitaux permettent de décrire l'ensemble des ressources à considérer dans le cadre d'une économie productive.

À ces quatre capitaux est, parfois, ajouté le capital social, dans la mesure où, dans un monde de plus en plus interconnecté, le capital correspondant aux ressources relationnelles n'est pas sans impact sur la sphère économique. C'est le cas, par exemple, du document 1 (issu de la Banque mondiale, Dossier documentaire sur le développement durable) qui regroupe le capital humain, le capital social et le capital institutionnel au sein du capital immatériel.

Celui-ci se caractérise de la façon suivante :

Capital social

(Programme 1ES 2010, Notions ; Programme TES 2011, Acquis de première)

Le capital social est un ensemble de ressources relationnelles dont il est possible de tirer profit.

Il est défini par Pierre Bourdieu comme suit :

« Le capital social est l’ensemble des ressources mobilisées (des capitaux financiers, mais aussi de l’information, etc.) à travers un réseau de relations plus ou moins étendu et plus ou moins mobilisable qui procure un avantage compétitif en assurant aux investissements des rendements plus élevés. »

Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Liber, Seuil, Paris, 2000, p. 237.

Il ajoute que cette définition du capital social :

« prend en compte non seulement le réseau des relations, caractérisé dans son étendue et sa viabilité, mais aussi le volume du capital de différentes espèces qu’il permet de mobiliser par procuration (et, du même coup, les profits divers qu’il peut procurer : promotions professionnelles, participation à des projets, accès à des décisions importantes, occasions d’investissements financiers ou autres). »

Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Liber, Seuil, Paris, 2000, p. 237n.

 

Comme toute forme de capital, ces différents types de capitaux peut faire l'objet d'une accumulation (augmentation du stock de capital) ou d'une destruction (diminution du stock de capital). La dotation en capital n'est donc pas figée.
De même, la dotation en capital des différents types varient d'un pays à l'autre en fonction du territoire, du niveau de développement, des investissements réalisés, des politiques publiques, etc. On retrouve à cet égard la question des inégalités de développement économique puisque les pays les plus développés sont le plus souvent ceux qui sont les mieux dotés dans les différents capitaux et/ou, lorsqu'ils ne le sont pas, sont en mesure d'obtenir les ressources en capitaux qui leurs font défaut (on peut repenser ici à l'exemple des sociétés pétrolières ou minières dont la localisation se situe majoritairement dans les pays développés alors que leur activité d'exploitation est essentiellement située dans des pays en développement).

Voir Document 2. Dossier documentaire développement durable.

1.3. Les différentes analyses théoriques de la soutenabilité

L'analyse théorique de la soutenabilité tente de dégager les mécanismes qui permettraient de garantir un développement durable. Deux courants théoriques principaux s'opposent de ce points de vue : les tenants de la soutenabilité dite « faible » et ceux de la soutenabilité dite « forte ».

1.3.1. La soutenabilité « faible » (ou durabilité faible)

Cette approche est celle que l'on trouve chez les économistes néoclassiques. Le point de départ de cette approche théorique, consiste à considérer que les différents types de capitaux sont substituables.

Il faut repenser ici à la distinction entre facteurs de production substituables et complémentaires.

Si l'on considère que les capitaux sont substituables, cela signifie que l'on peut les remplacer les uns par les autres. Dans ce cadre, l'objectif poursuivi consiste à préserver l'ensemble formé par les différents types de capitaux :
Stock total des différents types de capitaux = Capital naturel + capital physique + capital humain + capital institutionnel.
C'est donc le niveau de ce stock total qu'il faut chercher à maintenir, voire à augmenter.

Quelle est la conséquence de cette hypothèse pour le développement durable ?
Si le capital naturel diminue (suite à l'épuisement de certaines ressources, par exemple), il faut que cette diminution soit compensée par l'augmentation de l'un des autres types de capitaux (capitaux physique, humain et institutionnel).

L'objectif poursuivi est, en effet, le maintien (voire l'augmentation) du niveau de bien-être des populations dans le temps. Or, pour maintenir ce bien-être, les individus doivent pouvoir obtenir la satisfaction de leurs besoins. Si le niveau global de capital diminue, ce maintien du bien-être devient impossible. D'où l'objectif de sauvegarde du niveau global de capital.

Cette vision est souvent considérée comme « optimiste » dans le sens où les mécanismes du marché, et surtout, l'innovation vont contribuer à garantir un développement durable.
Le progrès technique est, de fait, considéré comme une solution possible aux problèmes posés par le développement durable. Face aux pénuries de ressources naturelles, par exemple, les agents économiques sont incités à innover pour leurs trouver des substituts (ou du moins, réduire la consommation de ces ressources).
Le mécanisme est le suivant : lorsque la quantité disponible d'une ressource diminue, son prix augmente. Le coût que doit supporter un agent économique pour obtenir la quantité nécessaire à la satisfaction de ses besoins s'élève donc. Il devient alors rentable pour lui de financer des dépenses (celles liées à la R&D en particulier) visant à lui offrir des alternatives à cette ressource.
C'est le cas notamment du pétrole. Si les prix de celui-ci fluctuent en fonction d'éléments conjoncturels, il n'en reste pas moins que son prix s'élève de façon tendancielle. Cela a encouragé la R&D nécessaire à l'exploitation de gisements difficiles d'accès et par là trop coûteux à exploiter précédemment ainsi qu'à la recherche d'énergies de substitution.

Cette vision optimiste est renforcée par l'idée selon laquelle le développement en lui-même est une solution au problème du développement durable. Ici, intervient la courbe de Kuznets (à l'origine développée pour analyser l'évolution des inégalités), appliquée à la question du développement durable.


Courbe de Kuznets

Simon Kuznets, Prix Nobel d’économie en 1971, analyse la relation entre croissance économique et inégalités économiques au travers de ce que l'on appellera la « courbe de Kuznets » :

Nous voyons donc […] que dans les pays développés la répartition du revenu dépend de facteurs très divers dont les uns favorisent une réduction de l’inégalité alors que les autres la renforcent. Il semble raisonnable de supposer qu’au début de la croissance, l’inégalité a augmenté dans la distribution du revenu total en raison de l’expansion rapide du secteur non agricole et de l’apparition de disparités de revenus plus accusées en son sein. Il est plus fondé encore de faire valoir que la réduction récente de l’inégalité des revenus provient de l’effet conjugué d’une réduction des disparités dans la production par travailleur, du déclin de la part que le revenu provenant de la propriété représente dans le revenu total des ménages et, enfin, des changements structurels qui ressortent des mesures arrêtées dans le domaine de la Sécurité Sociale et du plein-emploi.

Source : Simon Kuznets, La croissance économique moderne, 1971.

Pour commencer, il faut se souvenir que le mécanisme sur lequel repose la courbe de Kuznets est principalement lié aux modifications sectorielles des économies (notamment les mécanismes du déversement et de la destruction-créatrice).

  • Phase 1 : L'économie croît et les inégalités également

Au départ, seul le secteur agricole est développé. Lorsque l'économie commence à croître, le secteur non agricole (Kuznets pense surtout au secteur industriel, mais on peut également faire référence aux services) se développe.

Conséquences :

⇒ Le nouveau secteur étant plus productif que le secteur agricole, il génère davantage de gains. Cela conduit à une augmentation des inégalités par augmentation des écarts de revenu entre le nouveau secteur et l’ancien secteur.
⇒ De plus, au sein du nouveau secteur, ce sont les agents économiques les plus productifs qui voient leurs revenus augmenter le plus. Cela se traduit par une augmentation des écarts de revenu au sein du nouveau secteur.

Au total, on voit les inégalités se creuser entre l'ancien et le nouveau secteur ainsi qu'au sein même du nouveau secteur.

  • Phase 2 : L'économie continue à croître, mais les inégalités se résorbent

Au bout d’un certain niveau de croissance, l'économie arrive à maturité.

Conséquences :

⇒ Innovations et amélioration du capital humain se sont étendues à l'ensemble de la production, entraînant une réduction des écarts de productivité entre les deux secteurs et au sein du nouveau secteur.
⇒ Par ailleurs, les moins productives ont désormais disparu (destruction-créatrice) et les agents économiques ont fini de se reconvertir (déversement et imitation), entraînant une baisse des gains des “pionniers” du nouveau secteur.
⇒ Enfin, l'intervention de l'État-providence permet le développement de la sécurité sociale, des politiques de redistribution et de lutte contre le chômage.

Au total, les mécanismes de marché ont réduit les inégalités entre les deux secteurs et au sein de chacun des secteurs. Les inégalités de salaire et de patrimoine ont donc tendance à diminuer. La création d’une protection sociale généralisée renforce cette diminution. Bref, les inégalités globales baissent.

Représentation graphique de la courbe de Kuznets :

version odp

 

Appliquée au développement durable, le raisonnement de Kuznets consiste à affirmer que les effets négatifs (pollution…) liés à l'activité humaine sont élevés lorsque le niveau de développement est faible mais qu'ils diminuent ensuite, lorsque le développement s'élève. Encore une fois, ce raisonnement est, en partie, lié au progrès technique : au fur et à mesure du développement, les innovations permettent de réduire les effets négatifs auparavant incontournables.
De plus, les activités les plus polluantes sont davantage présentes dans les premières phases du développement. En effet, le secteur tertiaire (services) est, globalement, moins générateur d'effets négatifs que les secteurs primaire (agriculture) et secondaire (industrie). Or, dans les économies développées, ces derniers tendent à se réduire au profit du secteur tertiaire.
Enfin, les comportements des individus, et donc la demande qu'ils expriment, évoluent en fonction du niveau de développement. Ainsi, les préoccupations des individus, dans les pays développés, ne se réduisent plus à la satisfaction de leurs besoins élémentaires mais passent par des exigences plus importantes en terme de qualité de vie, une demande orientée davantage vers les services de conforts et de loisirs (activités moins polluantes)…

1.3.2. La soutenabilité « forte » (ou durabilité forte)

Pour les tenants de la soutenabilité forte, que l'on trouve notamment dans les courants hétérodoxes, la vision soutenue est nettement plus “pessimiste”.

Ils considèrent en effet que le capital naturel est spécifique, il ne saurait donc être remplacé par les capitaux produits par l'homme. Par conséquent, il est non substituable et il faut donc le préserver.
Le développement durable est alors garanti seulement si le stock de capital naturel ne décroît pas.

Dans ce cadre, le progrès technique n'est pas suffisant pour permettre le développement durable et ce d'autant qu'il peut conduire à une effet “rebond”3) : les gains de productivité réalisés grâce au progrès technique peuvent, paradoxalement, conduire à une augmentation de la consommation des ressources dans la mesure, notamment, où ces gains conduisent à la diminution de leur coût.

C'est donc par d'autres moyens qu'il faut garantir le développement durable. Cela passe, bien sûr, par la baisse de la consommation des ressources. C'est de là que se développe les théories de la décroissance ou de la croissance zéro. Ces dernières années, ce sont en effet multipliés les appels à une « croissance zéro » voire à « décroissance » de l'économie. Il ne s'agit plus seulement de revendiquer une croissance « soutenable », c'est-à-dire une croissance respectueuse de l'environnement et des ressources naturelles, mais un arrêt de la croissance de la production ou même sa diminution.

La décroissance n'est pas synonyme de récession/dépression. Elle est le résultat d'une action volontaire consistant à réduire la croissance économique dans le but de préserver l'environnement et les ressources naturelles. Dans le même ordre d'idée, la croissance zéro vise à une stagnation du taux de croissance.

C'est dans cet ordre d'idée également qu'est formulé le principe de précaution :

Le principe de précaution est d'abord définit de la façon suivante, lors de la Conférence de Rio :

« Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »

Source : Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement,, Principe 15, Rio de Janeiro, Brésil,3-14 juin 1992. Disponible en ligne : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm

Ce principe de précaution est formulé de la façon suivante lorsqu'il entre dans la Constitution française en 2005 :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Source : Charte de l'environnement (ajoutée à la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005), Article 5, 2004. Disponible en ligne : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/charte-de-l-environnement-de-2004.5078.html

 
1)
Gro Harlem Brundtland, membre du Parti travailliste, ministre de l'Environnement de 1974 à 1979, première femme ministre d'État (chef du gouvernement) en Norvège (en 1981, de 1986 à 1989, et de 1990 à 1996), elle préside la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement (ONU) à partir de 1983 qui publiera le rapport dont est issu ce document.
2)
The Sveriges Riksbank Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel.
3)
cf. le paradoxe de Jevons
ses/tes/chap1/3.txt · Dernière modification: 2020/11/21 09:27 de yam