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Chapitre 1. Sources et limites de la croissance économique

II. Comment expliquer l'instabilité de la croissance ?

Que dit le programme officiel de TES ?
Notions : Fluctuations économiques, crise économique, désinflation, dépression, déflation.
Acquis de première : inflation, chômage, demande globale.
Indications complémentaires :

L'observation des fluctuations économiques permettra de mettre l'accent sur la variabilité de la croissance et sur l'existence de périodes de crise. On présentera les idées directrices des principaux schémas explicatifs des fluctuations (chocs d'offre et de demande, cycle du crédit), en insistant notamment sur les liens avec la demande globale. On analysera les mécanismes cumulatifs susceptibles d'engendrer déflation et dépression économique et leurs conséquences sur le chômage de masse.

Quelques exemples de sujets du bac :
Dissertation :
Comment peut-on expliquer les fluctuations économiques ? (Polynésie, 2015)
Quels sont les déterminants des fluctuations économiques ? (Antilles-Guyane, 2015, rattrapage)
Les fluctuations économiques ne s'expliquent-elles que par les variations de la demande globale ? (France métropolitaine, 2015, rattrapage)
Dans quelle mesure les variations de la demande expliquent-elles les fluctuations économiques ? (Polynésie, 2013)

Nous verrons dans cette partie que si la richesse augmente bien sur le long terme (ce que nous avons constaté plus haut), la croissance économique n'en est pas moins instable.
Après nous être arrêté sur la terminologie et avoir rappelé quelques faits, nous chercherons à expliquer les principales causes des fluctuations économiques, puis les conséquences, plus ou moins graves, qu'elles peuvent avoir sur l'économie.

1. La croissance n'est pas un long fleuve tranquille : variabilité de la croissance et crises

Une terminologie pas si simple...

Dans la théorie économique, il est devenu usuel (même si cela reste très discuté) de distinguer croissance économique « potentielle » et croissance économique « réelle » (ou « effective »). C'est à partir de cette distinction, que sont expliquées les fluctuations économiques.
La croissance économique étant mesurée par le PIB, le PIB réel/effectif est celui qui est constaté et le PIB potentiel est une estimation statistique de la croissance potentielle. L'écart de production (ou outputgap) est alors la différence entre le PIB réel et le PIB potentiel.
Dans un monde « idéal » (au sens de « idéal typique »), c'est-à-dire un monde où aucune perturbation ne viendrait entraver le fonctionnement de l'économie, où les capacités de production (capital et travail) seraient pleinement utilisées sans susciter d'inflation, la croissance potentielle serait réalisée. Cette croissance serait durable et stable. Elle représente donc la « tendance » (le trend en anglais) que devrait suivre la conjoncture. Autrement dit, dans un tel monde les fluctuations économiques n'existeraient pas.
Dans la réalité, la croissance économique, dite réelle ou effective, est un phénomène instable, soumis à « des hauts et des bas » plus ou moins brusques et plus ou moins durables. Ces hauts et ces bas, ce sont les fluctuations économiques.

Définition des fluctuations économiques :

(Programme TES 2011, Notions)

Les fluctuations économiques sont constituées de l’ensemble des mouvements affectant l'activité économique, qu'il s'agisse de phases d’expansion (accélération de la croissance économique) ou de récession/dépression (ralentissement/baisse de la croissance économique).

Ces fluctuations affectent, bien sûr, le PIB mais concernent, plus généralement, les principales variables de l'activité économique (chômage, inflation…).

 

Les cycles économiques : des fluctuations économiques plus ou moins régulières

Ces mouvements peuvent être plus ou moins réguliers, auquel cas on parlera souvent de cycles économiques qui désignent la répétition au cours du temps de phases d’expansion économique, puis de récession/dépression.

Remarque : ces deux termes sont proches et souvent utilisés comme synonymes.

Si on découpe le cycle en 4 phases, on a donc la succession : expansion – crise – récession/dépression – reprise…

Trois types de cycles peuvent être distingués :
— Cycles de Kondratiev (ou Kondratieff) (cycles longs), environ 40 à 60 ans. Il est associé par Schumpeter à l'évolution du progrès technique (apparition des innovations). Il distingue la « phase A » du cycle Kondratiev, qui correspond à la phase ascendante, et la « phase B », qui correspond à la phase descendante.
— Cycles de Juglar (ou cycle des affaires ou intermédiaire ou moyens), environ 7 à 11 ans.
— Cycles de Kitchin (ou cycle mineur ou court), environ 3 à 4 ans (2 Kitchin = 1 juglar environ).

Représentation graphique des cycles
Courbe 1 = cycles longs ; courbe 2 = cycles intermédiaires ; courbe 3 = cycles courts ; courbe 4 = somme des courbes 1-3.

Source : Joseph Aloïs Schumpeter, Business cycles, 1939. Disponible en ligne (en) : http://dx.doi.org/doi:10.1522/030021081

 
Les différentes phases d'un cycle :
1. L'expansion :

Correspondant à la phase ascendante d'un cycle, l'expansion est un accroissement momentané et réversible de la conjoncture (accélération de la croissance économique). Elle se situe donc sur le court terme et ne doit pas être confondue avec la croissance.

2. La crise :

(Programme TES 2011, Notions)

La crise économique peut s'entendre au sens strict ou au sens large :

  • au sens strict, elle correspond au moment où la conjoncture économique (entendue comme l'ensemble de la situation économique et pas seulement le PIB) se retourne, donc au point haut d'un cycle,
  • dans un sens plus large, elle correspond à une période caractérisée par le déclin global de la conjoncture. Elle englobe alors la crise au sens strict et la récession/dépression qui s'ensuit.
 

Remarque : Il est a noté ici que la conjoncture économique ne se réduit pas nécessairement au seul PIB, mais englobe l'ensemble de la situation économique.

3. La récession :

La définition de la récession est ambiguë. Pendant longtemps en France, les économistes ont considéré qu'elle correspondait à un ralentissement de la croissance, donc à sa baisse relative (baisse du taux de variation).
Cependant, de plus en plus, les économistes considèrent que la récession correspond à une diminution du PIB durant deux trimestres consécutifs (baisse absolue)1). Dans ce second cas, elle est synonyme de contraction. C'est cette seconde définition que nous retiendrons.

Document. Vous avez dit « récession » ?

Dessin humoristique parodiant la série Dr. House à propos de la récession

Source : Martin Vidberg, « Une enquête du docteur maison », Blog L'actu en patates, 18 septembre 2008. Note disponible en ligne : http://vidberg.blog.lemonde.fr/2008/09/18/une-enquete-du-docteur-maison/

La récession peut se traduire par la dégradation d'autres agrégats économiques que le seul PIB, en particulier le chômage. Il est cependant communément admis, que l'on fasse référence à un ralentissement ou à une baisse, que la récession est d'une durée moins longue et d'une gravité moins grande qu'une dépression.

... ou... La dépression :

(Programme TES 2011, Notions)

La dépression correspond à une diminution durable et de grande ampleur de la conjoncture. Elle s'étend généralement sur plusieurs années. Cette notion concerne bien sûr le PIB mais elle s'étend aux principaux agrégats macroéconomiques, en particulier l'emploi.

 

4. La reprise :

La reprise économique correspond au moment où la conjoncture économique connaît un retournement positif, donc au point bas d'un cycle.


Lorsque l'on compare croissance effective et croissance potentielle, deux situations se présentent :

  • La croissance effective est supérieure à la croissance potentielle (écart de production positif) :
    • On assiste alors à des tensions inflationnistes ainsi qu'à une dégradation du solde extérieur (hausse des importations). Les capacités de production sont sous-exploitées, car les structures économiques ne sont pas suffisamment développées et/ou efficaces pour satisfaire la demande globale. L'inflation augmente donc (on parle de « surchauffe » de l'économie).
    • À court terme, il est possible de faire diminuer les tensions à l'aide d'une politique conjoncturelle restrictive (de rigueur), mais c'est surtout à long terme, à l'aide d'une politique structurelle de développement et de modernisation qu'il est possible de résoudre le problème.
  • La croissance effective est inférieure à la croissance potentielle (écart de production négatif) :
    • On assiste alors à une montée du chômage. Les capacités de production sont sous-exploitées du fait d'une demande globale insuffisante. Le chômage augmente donc (on peut parler de « sous-régime » de l'économie).
    • il est possible de soutenir la croissance à l'aide d'une politique conjoncturelle de relance.

Récapitulons :

  1. Dans le “meilleur des mondes possibles”, les fluctuations économiques n'existent pas ou presque 2) :
    • les capacités de production sont pleinement utilisées : ni trop ni pas assez,
    • la croissance potentielle est réalisée : la croissance réelle ressemble donc a une belle droite bien lisse et en augmentation qui se confond avec la croissance potentielle (en rouge),
    • à moyen/long terme, les capacités de production s'ajustent en fonction des besoins de l'économie…
  2. Dans la « vraie vie », les fluctuations existent parce « quelque chose » ne va pas :
    • les capacités de production sont insuffisantes (en vert) ou existent, mais sont sous-exploitées (en orange), ce qui fait varier la croissance réelle dans un sens (1) ou dans l'autre (3 ou 3 bis),
    • le “quelque chose” peut avoir différentes origines (chocs, cycles du crédit) comme nous allons le voir…

Quelques rappels de faits...

Document. Le taux de croissance du PIB français à prix courants et constants

Source : Insee, Comptes nationaux - Base 2010. Disponible en ligne : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF08112.xls (version ods)

Pour aller plus loin : Document. PIB réel, production potentielle en milliards d'euros et écart de production en pourcentage de la France

Source : OCDE. (version ods)

2. La croissance en état de « choc » : l'origine des fluctuations économiques

Vous avez désormais compris que la croissance était instable. Pour tenter d'expliquer l'origine de cette instabilité, les économistes ont avancé diverses thèses. Parmi elles, on trouve l'explication de l'instabilité par l'existence de chocs.

Définitions :


Un choc peut se définir comme une variation brutale de l'offre et/ou de la demande globale qui vient perturber la croissance économique.

Lorsque c'est une des composantes de la demande globale qui est affectée par le choc, on parle de choc de demande.
Lorsque c'est le processus de production qui est affecté par le choc (vous aurez remarqué qu'on ne parle pas de composantes de l'offre), on parle de choc d'offre.
Les chocs peuvent être positifs ou négatifs.
Ces chocs peuvent être de nature exogène ou endogène.


À cette explication, s'ajoute le rôle joué par le cycle du crédit. En effet, vous avez vu en 1ES que les mécanismes du crédit pouvaient être à l'origine d'un retournement de la conjoncture économique.

L'analyse économique retient ainsi trois principales causes pour expliquer les fluctuations économiques :

  • choc d'offre
  • choc de demande
  • cycle du crédit

2.1. Chocs d'offre et de demande

Examinons les mécanismes concernant les différents types de chocs :

Chocs d'offre

L'apparition de chocs d'offre s'explique essentiellement par une variation des coûts de production qui engendre une variation brutale de l'offre proposée par les producteurs.

  • Choc d'offre négatif :

En cas de choc d'offre négatif, les coûts de production augmentent :

Par conséquent, la quantité offerte par les producteurs se réduit : on observe donc un déplacement de la courbe d'offre vers la gauche (passage de la courbe “Offre 1” à “Offre 2”).
La demande restant inchangée (à court terme du moins), les prix augmentent (inflation).

  • Choc d'offre positif :

En cas de choc d'offre positif, les coûts de production diminuent :

Par conséquent, la quantité offerte par les producteurs augmente : on observe donc un déplacement de la courbe d'offre vers la droite (passage de la courbe “Offre 1” à “Offre 2”).
La demande restant inchangée, les prix diminuent.

On comprend dès lors que tout évènement pouvant affecter les coûts de production – dans un sens négatif comme positif – est susceptible de provoquer un choc d'offre.
Les exemples ne manquent pas : catastrophes naturelles qui, en endommageant une partie de l'appareil productif – rendent la production plus difficile et plus coûteuse ; les variations de prix des matières premières nécessaires à la production qui peuvent les renchérir ou les rendre plus accessibles (variations qui peuvent être elles-mêmes dues à des phénomènes naturels comme la sécheresse ou, au contraire, des pluies abondantes… mais pas trop) ; les évolutions de la fiscalité et de la législation qui peuvent influer négativement ou positivement sur les coûts…

Chocs de demande

Concernant les chocs de demande, cela peut paraître un peu plus compliqué, mais la logique reste la même. En 1ES, vous avez étudié les différentes composantes de la demande globale, à savoir :

Demande globale = C + I + X + G + variation des stocks

avec C = consommation des agents/institutions privés, I = investissement des agents/institutions privés, X = exportations, ie. demande extérieure, G = dépenses de consommation et d'investissement des administrations publiques.

L'apparition de chocs de demande s'explique alors par une variation de l'une (ou plusieurs) des composantes de la demande globale qui engendre une variation brutale de la demande adressée au marché.

  • Choc de demande négatif :

En cas de choc de demande négatif, la demande globale diminue :

Par conséquent, la quantité demandée sur le marché se réduit : on observe donc un déplacement de la courbe de demande vers la gauche (passage de la courbe “Demande 1” à “Demande 2”).
L'offre restant inchangée (à court terme du moins), les prix diminuent.

  • Choc de demande positif :

En cas de choc de demande positif, la demande globale augmente :

Par conséquent, la quantité demandée sur le marché augmente : on observe donc un déplacement de la courbe de demande vers la droite (passage de la courbe “Demande 1” à “Demande 2”).
L'offre restant inchangée, les prix augmentent.

Là encore, on comprend que tout ce qui peut affecter la demande globale peut engendrer un choc de demande. Pour autant, les interactions entre demande globale et croissance sont plus complexes. Le schéma suivant nous en donne un aperçu :

2.2. Cycle du crédit et crise

Remarque : cette partie est traitée en TD.

Les conséquences de ces phénomènes peuvent être d'autant plus graves que l'on a affaire à des mécanismes cumulatifs : déflation, dépression, chômage de masse.

Chapitre 1. Sources et limites de la croissance économique

1)
Cette définition est souvent attribuée au NBER (National Bureau of Economic Research, organisme de recherche américain) qui dément cette paternité : “The NBER does not define a recession in terms of two consecutive quarters of decline in real GDP. Rather, a recession is a significant decline in economic activity spread across the economy, lasting more than a few months, normally visible in real GDP, real income, employment, industrial production, and wholesale-retail sales.” Source : http://www.nber.org/cycles.html. Voir aussi : http://www.nber.org/cycles/recessions.html
2)
C'est un peu comme pour le chômage, le chômage zéro n'est pas possible, donc ce qu'on nomme l'absence de chômage correspond au chômage frictionnel. Ici, les fluctuations pourraient se réduire à des situations très temporaires comme une panne dans une chaîne de production…
ses/tes/chap1/2.txt · Dernière modification: 2019/03/28 14:25 de yam